Un quasi-silence ouvre ce disque : Evgeni Bozhanov murmure la transcription raréfiée, une essence de notes, que Max Reger aura tirée de Morgen de Richard Strauss, merveille qui étend sur l’auditeur un rêve profond que prolonge encore dans le même tempo large le Poco Allegretto de la Troisième Symphonie de Brahms, toujours résumé au piano avec le même soin minimaliste par Reger.
Quelle introduction magique que ces deux songes où Evgeni Bozhanov abolit les marteaux de son beau Kawai, vrai chant d’ondes qui introduit à une très surprenante lecture de la Sonate en si bémol majeur.
Le temps en est suspendu dès l’énoncé, un trille en estompe emporte le chant dans un autre monde, partout cette ombre, ce son ténu, cette persistance de la nostalgie qui malgré les orages demeure, si ce n’est pas d’un poète du piano ! Certains ne supporteront pas la singularité de ce jeu qui refuse toute grandiloquence, mais quoi de plus schubertien jusque dans les deux ultimes mouvements qui filent dans une lumière irréelle ? L’Andante entre chien-et-loup est fascinant, comment fait-il pour peindre un tel clair-obscur ?
Le jeune homme referme ce disque singulier avec un autre Andante, celui de la Première Symphonie de Brahms, métamorphosé en prière, et quasiment en Bach par Max Reger, chant profond, schubertien soudain lorsque l’éclaircie pointe. C’est l’album d’un magicien.
LE DISQUE DU JOUR
Richard Strauss (1864-1949)
Morgen, Op. 27 No. 4
(arr. Max Reger)
Johannes Brahms
(1833-1897)
Symphonie No. 3 en fa majeur, Op. 90 (extrait : III. Poco Allegretto, arr. Max Reger)
Symphonie No. 1 en ut mineur, Op. 68 (extrait : II. Andante sostenuto, arr. Max Reger)
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano No. 21 en si bémol majeur, D. 960
Evgeni Bozhanov, piano
Un album du label Avanticlassic 541470610592
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Photo à la une : le pianiste Evgeni Bozhanov – Photo : © DR