« Que l’air est étouffant ». Dans cette voix on entend la terrible raréfaction de l’oxygène, l’angoisse immanente, Marguerite à l’Avery Fisher Hall ce 12 mai 1977 avait la voix immense et les mots avides de Jessye Norman.
En inscrivant La Damnation de Faust au programme du New York Philharmonic, Pierre Boulez voulait certes exposer tout de l’écriture singulière dont Berlioz torture son orchestre, il imprima surtout comme personne cette atmosphère si caractéristique du romantisme le plus sombre, lecture fascinante que le disque ignora inexplicablement.
La voici, avec une équipe de chant relevée, le Faust ardent, expressionniste, de Kenneth Riegel en fera bien grincer certains, qui auront gardé dans l’oreille l’élan de Nicolaï Gedda, il impose pourtant un personnage qu’on n’oublie pas, face au Diable à la parade de Justino Diaz.
Mais c’est à Marguerite que vous irez d’abord, ce Roi de Thulé chanté comme une ballade immémoriale, roulée dans les rubis de ce timbre qui est un parfum, et cette romance désolée que Boulez lui introduit, avec quelque chose de perdu, une pierre dans le jardin de ceux qui le croient incapable de poésie, jusque dans l’affolement qui doit conduire Marguerite à cette extase que le tempo presse comme un cœur qui s’emballe, quel moment inouï enfin accessible, et quel ajout majeur à la discographie de cette voix tant aimée, que je regretterais toujours.
LE DISQUE DU JOUR
Hector Berlioz (1803-1869)
La Damnation de Faust,
Op. 24, H. 111
Jessye Norman, soprano (Marguerite)
Kenneth Riegel, ténor (Faust)
Justino Diaz, baryton (Mephistopheles)
William Parker, basse (Brander)
Westminster Choir
The Boys Choirs & The Trinity Scholl
The Brooklyn Boys Chorus
New York Philharmonic
Pierre Boulez, direction
Enregistré le 12 mai 1977
Un album de 2 CD du label St-Laurent Studio YSL T-881
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Photo à la une : la soprano Jessye Norman dans le rôle d’Aida de Verdi, en 1972 à la Scala – Photo : © La Scala/Erio Piccagliani