Protéiforme comme elle l’est de nature, l’œuvre de Liszt n’aura connu qu’un seul échec : l’opéra. Les quelques scènes de Sardanapale qu’il nous reste rappellent qu’hors la veine mystique, son art était voué au bref.
La part la moins connue de son œuvre reste ses lieder, où les merveilles abondent. L’album que collationnent aujourd’hui Julius Drake et Julia Kleiter – dont le grand soprano lyrique l’a conduit à s’approprier la Marschallin et l’Arabella de Strauss avec tant d’évidence – regorgent de merveilles peu courues : Schwebe, schwebe, blaues Auge, Die Zelle in Nonnewerth, Klinge leise, mein Lieb, tercet qui ouvre le disque, flirtent avec l’arioso d’opéra et montrent à quel point le lied fut pour Liszt un terrain ouvert, celui de toutes les tentatives.
Julia Kleiter y est magnifique, voix dorée et longue, au souffle parfait, qui embaume les mots d’un timbre digne des Vier letzte Lieder de Strauss. Les quatre Hugo, et même le si périlleux Oh, quand je dors que nous avons tous travaillé en classe de chant, ne la cueilleront pas à froid, grand cantatrice comme elle est, elle s’y montre merveilleuse de poésie. Et sa Mignon si dite, sa Loreley si incarnée, rappellent à quel point une grande cantatrice peut être chez elle dans l’univers du lied.
Programme parfait qui me donne envie d’en savoir un peu plus sur cette série que j’avais jusque-là négligée, allez savoir pourquoi.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Liszt (1811-1886)
The Complete Songs, Vol. 6
Schwebe, schwebe, blaues Auge, S. 305 (1ere version)
Die Zelle in Nonnenwerth, S. 274 (1ere version)
Kling leise, mein Lied, S. 301 (2nde version)
Enfant, si j’étais roi, S. 283 (2nde version)
S’il est un charmant gazon, S. 284 (2nde version)
Comment, disaient-ils, S. 276 (2nde version)
Oh! quand je dors, S. 282 (2nde version)
Mignons Lied, S. 275 (1ere version)
Wo weilt er ?, S. 295 (2nde version)
Die Loreley, S. 273 (1ere version)
Lieder aus Schillers Wilhelm Tell, S. 292 (2nde version)
Die Macht der Musik, S. 302 (2nde version)
Quand tu chantes, bercée, S. 306a
Julia Kleiter, soprano
Julius Drake, piano
Un album du label Hypérion CDA68235
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Photo à la une : la soprano Julia Kleiter – Photo : © DR