Bach et Bartók. Alpha et Omega ? Julien Libeer les voisine dans ce simple but du plaisir de les jouer en regard l’un de l’autre. Ce sont certes des maîtres de la forme, des évangélistes de l’art le plus savant, mais ils dansent aussi, il leur faut un clavier clair, des doigts déliés qui savent mettre dans les timbres des rythmes et dans les chants ce contrepoint de la voix qui défie les marteaux, et des ornements qui les parent d’affects.
Les giocosos tour à tour rêveurs ou virevoltants de la Cinquième Suite française lui vont comme un gant, s’élancent ou songent, il a bien raison de respecter l’esprit de suite, d’en faire des moments, de « dire » chacun : Bach ici se déleste d’un magister, explore sa poésie.
S’épargnant la proclamation, le grand geste que tant auront lancé dans le préambule de la Deuxième Partita, il souligne qu’ici comme ailleurs, il ne forcera pas le trait : ce qui suit est plus important, le ruisseau de la mélodie, modulée, infinie, courante magique où se compose dans le contrepoint tout simple la musique même.
Il suffit de jouer clair, et cela Julien Libeer sait le faire même dans Bartók : piano agile jusque dans la saillie, qui dessine les aspérités et les mystères d’En plein air (et fera cesser dans une suspension du son stupéfiante La Poursuite), et qui sait, faussement indolent, montrer les paysages de fifres et de tambour de la Suite Op. 14, où Bartók divulgue son cher folklore recomposé.
Cédant à l’ivresse des remerciements, le pianiste nomme Margulis, Delle-Vigne, Pires, Koroliov, Aline Blondiau : il ne m’en voudra pas trop de lui dire merci à lui seul.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Suite française No. 5 en sol majeur, BWV 816
Partita No. 2 en ut mineur, BWV 826
Béla Bartók (1881-1945)
En plein air, Sz. 81, BB 89
Suite, Op. 14, Sz. 62, BB 70
Julien Libeer, piano
Un album du label harmonia mundi HMM902651
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Photo à la une : le pianiste Julien Libeer – Photo : © Athos Burez