Longtemps, et nonobstant la gravure chorégraphique d’Ernest Ansermet, le Daphnis et Chloé de Pierre Monteux et de son cher Orchestre Symphonique de Londres, règna sur la discographie du grand ballet de Maurice Ravel, Decca était comblé et n’avait ici comme absolu rival que le geste solaire d’André Cluytens.

Pourtant, quinze après l’enregistrement de Monteux, les ingénieurs de Decca captaient un nouveau Daphnis et Chloé d’anthologie, cette fois de l’autre côté de l’Atlantique. Dans l’acoustique parfaite du Masonic Auditorium, Lorin Maazel réglait les envols subtils du Cleveland Orchestra, et produisait une merveilleuse chorégraphie sonore, d’une légèreté envoûtante, d’une virtuosité enivrante où tout le génie du Ravel orchestrateur rayonne, merveille indémodable qui nous est enfin restituée ici dans toute sa splendeur.

Lorin Maazel n’oublie pas plus d’incarner la pantomime, on voit les grâces de Chloé, l’ardeur tendre ou conquérante de Daphnis, la dégaine des brigands, on voit surtout la mer, le temple grec imaginés par Bakst, et ce lever de soleil poudroyé d’oiseaux.

Autre gravure majeure – singulièrement oubliée – de ces années Cleveland, Jeux, tout en diaprures, en transparences, sensuel et fluide, ardent comme chez Maderna et précis comme chez Boulez.

Mais La Mer si finement peinte, les gris colorés des Nocturnes, la franchise des couleurs d’Iberia font regretter qu’il n’ait pas plus enregistré Debussy comme Ravel durant cette période bénie.

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé
(Ballet intégral), M. 57
Claude Debussy (1862-1918)
Jeux, L. 133
La Mer, L. 111
Nocturnes, L. 98
Iberia (No. 2 des “Images pour orchestre, L. 118”)

Ladies of the Cleveland Orchestra Chorus
The Cleveland Orchestra
Lorin Maazel, direction

Un album de 2 CD du label Decca 806630 (Collection Eloquence Australia)
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Photo à la une : le chef d’orchestre Lorin Maazel – Photo : © DR