Dès le premier Prélude, c’est un arc-en-ciel. Le tempo est preste, il ne s’agit pas de pontifier, de s’agenouiller devant le Grand œuvre. La Fugue se déploie, mesurée, élégante, au premier temps qui semble vouloir lancer une pavane.
Ce Clavier bien tempéré aura été l’acmé de l’art de Dina Ugorskaja, les splendeurs de son Steinway si clair, subtilement capté par les preneurs de son de la Radio bavaroise, rendant si lisible son geste rapide qui emporte tout le premier Cahier.
En 2015, la maladie ne l’avait pas encore esseulé, elle parvenait à cette concentration sans tension qui laisse émaner les polyphonies, fait chanter les couleurs. La simplicité de son geste est admirable, et lorsque le Second Livre vient complexifier le propos, en quelque sorte le pousse vers l’abstraction, Dina Ugorskaja refuse de céder : elle continue à chanter, n’intellectualise pas, fait même entendre tout ce que ce clavier prend dans la grande littérature française de clavecin.
Et l’esprit, celui qu’Edwin Fischer transcendait dans ce Second Livre ? Dina Ugorskaja ne manque pas de ferveur, mais elle ne l’expose pas, la laisse naturellement émaner, préférant le pur plaisir de son jeu solaire qui fait passer ces cinq disques comme dans un rêve.
Oui, c’est bien là le sommet de cette artiste trop tôt disparue.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Le Clavier bien tempéré,
Livres I & II, BWV 846-893
Dina Ugorskaja, piano
Un coffret de 5 CD du label AVI-Music AVI8553503
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Photo à la une : la pianiste Dina Ugorskaja – Photo : © DR