Des études ? Des poèmes, Amir Katz l’affirme tout au long des Etudes d’exécution transcendante qui à l’exemple des Etudes de Chopin résolvent des problèmes en en faisant des tableaux ou des sonnets.
Mais pour que Feux follets soit des esprits de feux follets, pour que l’Eroica devienne cette polonaise obstinée où les traits sont comme des épées qui dansent et où le récit se pique d’agaceries, pour que les fusils de Wilde Jagd fusent leurs décharges plutôt sur des étoiles que sur des lapins, il faut que la virtuosité non seulement ne se voit pas, mais ne puisse s’entendre. Amir Katz joue au prestidigitateur, ses dogits volent sur tout cela, aimantent le clavier, envolent son meuble dans des sons pleins mais en apesanteur qui rappellent les plénitudes picturales que Claudio Arrau y brossait à plein clavier. Alors Chasse neige pourra développer son fusain de gris colorés inouïs, étude pour les sonorités où Amir Katz créé une vertigineuse abstraction debussyste, creusant le son à force de douceur.
Cela aurait pu suffire, mais quitte à plonger dans les Etudes de Liszt, alors autant les enregistrer toutes, l’art du prestidigitateur n’en sera que plus magique. Le close-up des Etudes d’après Paganini fait chanter tout ce qui devrait briller : cette Campanella de bel canto est inouïe de finesse, d’apartés, d’intentions, le tout serré dans la ligne, avec des trilles de flûte, le thème et variations de la 6e un kaléidoscope de sensations.
Le triptyque italien des Trois Etudes est d’une élégance folle, c’est un chanteur qui joue ses scènes d’opéra ; les deux études allemandes sont des paysages, l’une irréelle (Waldesrauschen, autres Jeux d’eau), l’autre croquis prêt à bondir des portés (Gnomenreigen), elles sont jouées avec une science pianistique comme venue d’un autre temps, celui où Alkan violentait l’humeur atrabilaire d’Ab Irato, qu’Amir Katz ressasse dans une écume faustienne.
Un ajout génial à cet ensemble profus, les Réminiscences de Don Juan, anathème du Commandeur qui prélude à tout un opéra que Liszt resserre dans son piano et qu’Amir Katz s’enivre à mettre en scène. Quel artiste !, qui nous montre Liszt griffonnant son papier à musique comme un possédé !
LE DISQUE DU JOUR
Franz Liszt (1811-1886)
3 Études de concert, S. 144
2 Konzertetüden, S. 145
Ab irato, S. 143
Grandes études de Paganini,
S. 141
Réminiscences de Don Juan,
S. 418
Études d’exécution transcendante, S. 139
Amir Katz, piano
Un album du label Orfeo C990202
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Photo à la une : le pianiste Amir Katz – Photo : © Neda Navaee