Peter Rösel, soixante-quinze printemps, vient d’enregistrer en concert en prévision de l’année Beethoven, toute les Sonates pour le label japonais King Records (et les Concertos, et des disques Mozart), aucune parution en Europe ne semble prévue à ce jour, ce qui est incompréhensible.
J’espérais qu’au moins Berlin Classics rééditerait la brassée de sonates qu’il avait engrangée au temps du microsillon, amorce d’une intégrale qui ne fut jamais achevée à la suite de la réunification de l’Allemagne, mais non, seulement un disque avec deux opus qui suffisent pourtant à révéler tout son génie dans ce répertoire.
La poésie du discours fluctuant de l’Adagio cantabile de la Sonate « à Thérèse » est assez inouïe par la fulgurance du toucher, la majesté naturelle des proportions, quelque chose de classique dans l’énoncé et d’infiniment expressif dans le jeu, un idéal beethovénien. L’Allegro vivace, pris avec des foucades très Haydn (et cette main droite qui file en divagant) est un modèle d’équilibre et d’audace.
Faire contraster cette sonate de fantaisie avec le grand œuvre de la Hammerklavier est une belle idée de l’éditeur. Intrada tenue, mais dans un tempo qui n’est pas emballé comme chez Schnabel (ce que voulait Beethoven), Peter Rösel sachant que voulant dire ce qu’il veut dire, il lui faut le temps de tirer les traits jusqu’au bout. À mesure que l’Allegro se déroule, tenu et emporté à la fois, je mesure à quel point il est un beethovénien majeur ; chez lui, la forme se plie à l’humeur, l’un et l’autre s’équilibrant, le discours rayonne, c’est un Beethoven qui n’a pas renoncé à son Bach.
Le Scherzo est sur les pointes, avec quelque chose de quasiment abstrait, prélude à un des plus étonnants Adagio que j’ai jamais entendus : cette tension dans la divagation, ce ciel qui s’ouvre dans le clavier, cette spiritualité rayonnante dans le sombre d’une nuit de clavier, quelle expérience ! qui me rappelle le tout jeune Kempff. L’architecture inflammable du Finale est unique, hors norme.
Tout grand disque.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 24
en fa dièse majeur, Op. 78
Sonate pour piano No. 29
en si bémol majeur, Op. 106 “Hammerklavier”
Peter Rösel, piano
Un album du label Berlin Classics 0301500BC
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Photo à la une : le pianiste Peter Rösel – Photo : © DR