Des confidences ? Boris Berman n’entend pas le dernier Brahms ainsi. Il rangerait même les divagations nocturnes des deux derniers cahiers de Klavierstücke du côté très paysage de Baltique des deux opus de la fin des années 1870 : son grand clavier, ses mains puissantes l’y inclinent, faisant persister dans les recueils des années 1890 la fougue, l’élan, les gestes narratifs que tant auront dissimulés derrière la fascination irrésistible d’un certain éther. Mais même dans l’Opus 119 il y a une Ballade, et l’Opus 119 se conclut par une Rhapsodie, et l’une des plus grondeuses qu’ait écrites Brahms, comme si, à l’ultime, il voulait encore une fois faire paraître la fougue du jeune homme.
Ballade … c’est bien ce qui fait la singulière puissance du Brahms de Boris Berman, son piano est narratif, il lui importe assez peu de raffiner le son, ses tempos sont affirmés, l’éthéré de l’intéresse pas, au point que ses Intermezzi, simples, chantés, sont eux aussi incarnés. L’ensemble des deux disques devient une suite de contes pastoraux, qui se déroulent plus dans des forêts de montagne, avec précipices et quasi gorge-aux-loups, que dans des paysages crépusculaires.
Le point d’équilibre d’une vision si affirmée est certainement l’Opus 116, autre collection d’intermezzos justement, que viennent fouetter les rafales de trois Capriccios.
Le triptyque des trois Intermezzos est fascinant sous ses doigts, la déclaration sans cesse interrompue du premier mi bémol majeur, le chemin perdu, le clavier bègue du dernier, la rumination amère du second comme un contre-chant aux Vier ernste Gesänge, tout autant.
Il faudra que Boris Berman sur le beau Steinway du Palais des dégustateurs persévère chez Brahms, les Ballades, les Variations Schumann, la Chaconne pour la main gauche, le Thème et Variations du Sextuor, l’espèrent.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms (1833-1897)
8 Klavierstücke, Op. 76
2 Rhapsodies, Op. 79
7 Fantasien, Op. 116
3 Intermezzi, Op. 117
6 Klavierstücke, Op. 118
4 Klavierstücke, Op. 119
Boris Berman, piano
Un album de 2 CD du label Le Palais des dégustateurs PDD018
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Photo à la une : le pianiste Boris Berman – Photo : © DR