Ardu le Concerto pour violon de Schönberg ? Le biais lyrique par lequel Isabelle Faust et Daniel Harding l’envisagent laisse passer dès la première page du Poco Allegro le souvenir du Concerto « À la mémoire d’un ange », violon venu d’une Vienne perdue, coulée de la plume d’un disciple disparu.
Personne n’avait songé jusqu’ici à faire entendre cet écho du monde d’hier dans l’une des compositions dodécaphoniques les plus strictes jamais coulées de la plume de Schönberg qui donne à la forme sonate les beautés pures de l’abstraction. Isabelle Faust fait pourtant chanter non les mélodies de l’autre Schönberg, mais parler un personnage, créant une entité sonore jusque dans le Finale animé par cet esprit de danse si rarement saisi, Daniel Harding affûtant les nuances d’un orchestre réglé au cordeau.
Les couleurs sèches du Concerto sont d’évidence à l’envers des bleus de nuit de Verklärte Nacht, de ses brouillards émotifs, de ses lacs d’eau morte, la version originale en sextuor serrant au plus près le poème de Dehmel, opéra de chambre sans voix qu’Isabelle Faust et ses amis jouent avec une précision quasi clinique : chaque nuance y est comprise, jusqu’au plus translucide des pianissimos, et les cinq sections clairement marquées – j’ai le sentiment qu’entre chacune, une page se tourne -, refusant la grande ligne romanesque qui se sera imposée à tant de versions avec un orchestre à cordes. Si bien que, les formes ainsi éclairées, le discours si exact, ce Schönberg ne paraît plus si étranger à l’autre.
LE DISQUE DU JOUR
Arnold Schönberg
(1874-1951)
Concerto pour violon, Op. 36
Isabelle Faust, violon – Orchestre Symphonique de la Radio Suédoise – Daniel Harding, direction
Verklärte Nacht, Op. 34
Isabelle Faust – Anne Katharina Schreiber, violons
Antoine Tamestit – Danusha Waskiewicz, altos
Christian Poltéra – Jean-Guihen Queyras, violoncelles
Un album du label harmonia mundi HMM902341
Acheter l’album sur le site du label harmonia mundi ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : la violoniste Isabelle Faust – Photo : © Molina Visuals