Hédonisme

Lors de l’enregistrement de la Troisième Symphonie, Iván Fischer avait trouvé la perle rare pour dire la parabole de Nietzsche : la voix sensible de Gerhild Romberger l’illuminait de mots troubles, une diseuse comme le chant mahlérien n’en avait plus entendue depuis Brigitte Fassbaender. Il lui offre aujourd’hui les grandes déclamations du Chant de la terre.

Leur Abschied est suffocant de beauté, ce qu’annonçait déjà les gris colorés de Der Einsame im Herbst, d’un raffinement inouï où les irisations de l’alto se tissaient aux fils de soie des violons et du hautbois, de la magie pure ! Mais attendez d’entendre leur Abschied, méditation venue de l’autre côté du miroir, où Romberger invite une émotion à fleur de lèvres.

J’entends déjà les réserves de ceux qui ne la trouveront pas assez contralto, mais enfin ce voyage dans l’éther des confins est si intrinsèquement l’esprit même de l’œuvre de Mahler qu’avoir la moindre réserve est justement avouer qu’on n’entend pas (au deux sens du verbe) l’œuvre, même si la justesse parfois flotte.

La voix n’a pas l’endurance idéale – la grande phrase de Von der Schönheit n’est pas d’un souffle comme chez Ludwig – elle est même fragile par moments, mais l’émotion comble tout cela.

Impeccable, peut-être pas assez ivre dans le premier Lied qu’Iván Fischer emporte prestissime, Robert Dean Smith est aujourd’hui probablement le meilleur ténor pour cette partition que Fritz Wunderlich aura marqué à tout jamais.

Revenant au disque, je retourne à l’Abschied, magie pure que cet orchestre impondérable, aux horizons infinis, précis de beauté et d’émotion.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1860-1911)
Das Lied von der Erde

Gerhild Romberger, contralto
Robert Dean Smith, ténor
Budapest Festival Orchestra
Iván Fischer, direction

Un album du label Channel Classics CCSSA40020
Acheter l’album sur le site du label Channel Classics, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : la contralto Gerhild Romberger – Photo : © Rosa Frank