Le chant de l’automne

Sarah Connolly n’en est pas à son premier Chant de la terre au disque, ni d’ailleurs Robert Dean Smith, mais ce concert berlinois, où Vladimir Jurowski sature son orchestre de couleurs, impose des phrasés expressionnistes stupéfiants, sculptant des poèmes de timbres où tout l’avenir de la Seconde Ecole de Vienne s’engouffre, les fait voyager ailleurs.

Pour le ténor, c’est un pari risqué, les tempos lui sont cruels, exposent ses lignes et son souffle, on ne le trouvera pas dans son meilleur jour, mais elle ! Son instrument, qu’elle surveillait avec un rien de narcissisme sous la baguette épurée de Yannick Nézet-Séguin, se libère, vaste mezzo dont le vibrato enveloppe ou déchire. Et comme elle dit avec tant de violence le long poème de l’Abschied !, dans les instruments opulents qui l’entourent de ses timbres, jusqu’à l’étouffer.

Quel orchestre boa, l’envers absolu du poème nuit et brouillard des hongrois d’Iván Fischer. Ses beautés suffocantes, ses solis démesurés, emportent dans des myriades de chants décousus le mélodrame de L’Adieu, théâtre plutôt que parabole. Certains en seront déconcertés, mais ces vingt-huit minutes stupéfiantes ne peuvent être ignorées.

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1860-1911)
Das Lied von der Erde

Sarah Connolly, contralto
Robert Dean Smith, ténor
Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
Vladimir Jurowski, direction

Un album du label Pentatone PTC5186760
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Photo à la une : © DR