Comment jouer le Quatuor de Debussy ? Les Italiano, qui ont fondé un modèle imparable, le faisaient beau comme un Zao Wou Ki, une étude de sonorités abstraite, tournée vers l’avenir, au grammage infinitésimal. Les Béla le joue à pleins archets, et comme c’est enivrant d’entrer enfin dans les élans et les repentirs du jeune Debussy, de celui de Rodrigue et Chimène et des premières mélodies. Les quatre jeunes gens trouvent la singularité de cet univers où dans les pamoisons se font entendre, chantant doucement, les musiques d’autres planètes.
Admirablement jouée, de facture pleine, leur proposition n’en doublonnera aucune autre, et c’est tout aussi vrai pour le vaste Quatuor de Magnard, chef-d’œuvre empli de paysages, au ton si singulier, qui ne se compare à rien d’autre dans la littérature française pour les quatre cordes.
Les harmonies rugueuses qui ouvrent le premier mouvement Animé, avec son discours beethovénien, la Sérénade un peu inquiète qui papillonne, le trait amère, plus hautain que funèbre, plus dit que chanté du troisième mouvement où Beethoven reparaît encore, les Danses savoureuses du Final, et leur fugato savant, tous trouvent dans la plénitude de leurs archets une densité expressive, une clarté formelle qui sacrent cette partition majeure et trop délaissée au pinacle de la musique de chambre française.
LE DISQUE DU JOUR
Claude Debussy (1862-1918)
Quatuor à cordes en sol mineur, Op. 10
Albéric Magnard (1865-1914)
Quatuor à cordes en mi mineur, Op. 16
Quatuor Béla
Un album du label Le Palais des Dégustateurs PDD022
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Photo à la une : les membres du Quatuor Béla – Photo : © DR