L’« Âge d’argent ». Un titre ne fait pas un disque, voire deux, ni même un projet. Daniil Trifonov voudrait-il donner ici à entendre une Russie éternelle d’abord par sa prééminence dans le concert de la musique du XXe siècle ? Peut-être, mais un écueil l’y guette, et le plus cruel qui soit : Prokofiev.
Son Deuxième Concerto, qui ne sait pas très bien où il va, est sans réel impact – l’orchestre brut de Gergiev n’aide guère – sans vision, tout en doigts, mais en son relatif, et en plus entrant au catalogue de la Deutsche Grammophon après deux gravures autrement engagées signées par les tandems Yundi Li–Seiji Ozawa et Yuja Wang–Gustavo Dudamel.
Une Huitième Sonate admirablement jouée, sans frappe, mélodieuse, finement pensée, ne fait pourtant pas jeu égal avec celle d’Emil Gilels, et les Sarcasmes travaillés dans chaque détail ne ricanent ou n’éludent guère, la perfection leur ôtant l’imaginaire. Mais quel style dans la Gavotte de Cendrillon
Chapitre Stravinski. La Sérénade serait assez merveilleuse, d’un classicisme distancié, avec une pointe d’humour, mais écoutez-y seulement Judina. L’Oiseau de feu génialement croqué au piano par Agosti fait plus voir le ballet que les sortilèges du conte (alors même qu’Agosti, en quelque sorte, l’avait « ravélisé »), mais l’écoute en est en soi captivante, et à mettre en regard avec le grand geste de Beatrice Rana. Pétrouchka plein d’intentions, et souvent alourdi, ne tient pas une minute face au piano-orchestre de Shura Cherkassky.
Reste le Concerto de Scriabine, avec son oiseau-Sirine dans l’Andante que Daniil Trifonov fait chanter en se souvenant de Neuhaus, mais l’abondance d’intentions, les soulignements, les tentations narcissiques vite renoncées seront à l’image de l’entreprise : périlleux.
LE DISQUE DU JOUR
Igor Stravinski (1882-1971)
Sérénade en la
L’Oiseau de feu – Suite pour piano (arr. Guido Agosti)
3 Mouvements de Pétrouchka
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sarcasmes, Op. 17
Sonate pour piano No. 8 en si bémol majeur, Op. 84
3 Pièces de « Cendrillon », Op. 95 (extrait : II. Gavotte)
Concerto pour piano et orchestre No. 2 en sol mineur, Op. 16
Alexandre Scriabine (1872-1915)
Concerto pour piano et orchestre en fa dièse mineur, Op. 20
Daniil Trifonov, piano
Orchestre du Théâtre du Mariinsky
Valery Gergiev, direction
Un album de 2 CD du label Deutsche Grammophon 4835331
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Photo à la une : le pianiste Daniil Trifonov – Photo : © Deutsche Grammophon