Un voyage ? Fabrizio Chiovettta entre dans l’Opus 109 avec une douceur de toucher qui est déjà une promesse d’au-delà. Ses trois ultimes sonates seront quasi abstraites dans leur dépouillement, leur simplicité, guidées par un geste classique qui pacifie les écueils, ouvre sur des infinis. Il faut pouvoir atteindre dans les escarpements harmoniques cette fluidité du son qui lui permet de caresser un Gesangvoll comme dit par un ange sur des pesées de main gauche impondérables. Magnifique Opus 109, comme en rêve.
L’Opus 110 sera dans les mêmes couleurs, comme prié, en des phrasés murmurés, où le clavier fluide s’élève jusqu’à une ferveur. Peu à peu, cet espressivo tend à une abstraction que même l’Allegro molto, tenu, sans éclat excessif, ne viendra pas briser, laissant le champ libre pour l’élévation de l’Adagio et l’exultation de la Fugue.
Le portique de l’Opus 111 pourra surprendre, plus inquiet que péremptoire, allant déjà vers les interrogations qui porteront les proclamations de l’Allegro, trilles de tremblement de terre, accords de trompette, comme l’esquisse d’un jugement dernier.
Mais Fabrizio Chiovetta lui refuse tout éclat superflu, le contient dans ce jeu exact qui cerne tout le texte d’un trait à la fois précis et pourtant évocateur. Alors l’Arietta pourra initier dans son murmure l’ultime ascension, modelée patiemment jusqu’à cette péroraison quasiment philosophique où le son même du piano s’abstrait du clavier, des marteaux, des cordes, un chant absolu qui se replie en lui-même. Oui, un voyage.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1756-1791)
Sonate pour piano No. 30 en mi majeur, Op. 109
Sonate pour piano No. 31 en la bémol majeur, Op. 110
Sonate pour piano No. 32 en ut mineur, Op. 111
Fabrizio Chiovetta, piano
Un album du label Aparté AP238
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Photo à la une : le pianiste Fabrizio Chiovetta – Photo : © DR