« Certes, Mariss Jansons devait mourir, mais pas si tôt », voilà ce que, sotto voce, je me soupirai à moi-même après que le flamboiement de la grande passacaille, par quoi Brahms aura dit tout ce qu’il avait à dire à l’orchestre, se sera éteint.
Brahms, comme Bruckner et Mahler, aura été un fil rouge pour la plénitude de l’art de Mariss Jansons, documenté au disque avec ses deux orchestres chéris, celui d’Oslo et celui de la Radio bavaroise, deux intégrales existent qui à l’écoute de cette Quatrième de New York ne paraissent que des ébauches.
Les lumières diffuses, la poésie immanente des timbres, la souplesse des tempos, avec pour ainsi dire dans le corps du texte, cette façon de ressaisir le tempo sur les valeurs brèves, montrent que la syntaxe secrète de Brahms, ce qui fait dans son orchestre l’alliance unique du lyrisme horizontal et de la tension verticale, jouant l’un avec l’autre pour faire la barre de mesure elle-même fluide, lui était enfin offert, ce qui n’était pas le cas dans les précédentes captations.
Il y a dans ce concert de New York une liberté supplémentaire qui délie tout, fait chanter, et la nostalgie relative des phrasés n’a rien de morbide ; même si le cœur de Mariss Jansons battait la breloque, il la battait depuis assez longtemps pour qu’il ne put se savoir à un mois de sa mort. Non, c’est la poésie singulière d’un moment qui est saisie ici, et l’ultime Brahms s’y reconnait entièrement.
En bis, presque incongru et applaudi aux premières mesures, l’ours de la 5e Danse hongroise montre ses épaules. Comme pour les croquis tirés de l’Intermezzo de Strauss, il manque à l’orchestre et au chef la pointe sèche, le trait de caractère qui fait tout dans ce genre, il ne faut pas leur comparer Reiner à Pittsburgh dans le bis Brahms ou Sawallisch à Munich dans le Strauss … mais cette Quatrième !
LE DISQUE DU JOUR
Mariss Jansons
His last Concert –
Live at Carnegie Hall
(8 November 2019)
Richard Strauss (1864-1949)
4 Symphonische Zwischenspiele aus “Intermezzo”, TrV 246a
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie No. 4 en mi mineur, Op. 98
Danse hongroise No. 5 en fa dièse mineur (arr. Parlow)
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Mariss Jansons, direction
Un album du label BR-Klassik 900192
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Photo à la une : le chef d’orchestre Mariss Jansons – Photo : © DR