Débarqué à Weimar, Bach immerge sa musique dans le brio de la cour du Duc de Saxe-Weimar et son clavecin dans le style français, cet esperanto de la musique de divertissement en Allemagne. Bach était chez lui, il copiait des musiques françaises, et d’abord des musiques provenant des ballets, depuis sa prime jeunesse, le style ne lui était pas inconnu, sa grammaire et ses arcanes poétiques encore moins.
Les magnifiques suites de style français qui forment l’axe principal de ces trois disques somptueux montrent comment Bach transforme la réalité du ballet en un esprit de danse, libérant du clavecin une fantaisie poétique que l’élégance du discours magnifie encore, Benjamin Alard choisissant l’instrument miraculeux que jadis Scott Ross toucha avec tant de plaisir, le clavecin du château d’Assas.
Ses sonorités roides mais chantantes, son grand caractère, ses registres épicés, trouvent un médium éloquent, et aussi un danseur dans le jeu lumineux que Benjamin Alard déploie de son toucher fluide, où s’incarne un stupéfiant legato vocal que l’instrument à cordes pincées devrait ignorer. Quelle lumière partout !, même lorsqu’il change de clavecin pour les suites qui évoquent le plus la danse, jouant alors un instrument allemand que Philippe Humeau copia d’après un clavecin de Carl Conrad Fleischer dont les sonorités approchent celles du luth, évidemment Benjamin Alard y jouera aussi la Suite « auf Lauten Werk ».
Entre ces deux disques de clavecin, les œuvres d’orgues – des Chorals essentiellement- résonnent sur le Silbermann de Marmoutier, aux couleurs absolument françaises où l’esprit de Lully et de Couperin s’invite chez Bach, entourés par des pièces de Grigny et Raison, Couperin y paraissant au début de l’album dans la transcription que Bach fit de L’Impériale des Nations : il paraissait déjà dans le premier disque de ce nouveau triptyque, avec La Couperin.
Cette troisième étape d’un voyage dont je ne me lasse pas me rend impatient de la suivante.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Ouverture (Suite) en fa majeur, BWV 820
Suite en fa mineur, BWV 823
Præludium (Harpeggiando) en ut mineur, BWV 921
Suite en mi bémol majeur, BWV 819
Menuet en sol majeur, BWV 841
Menuet en sol mineur, BWV 842
Menuet en sol majeur, BWV 843
Suite en la mineur, BWV 818a
Suite anglaise No. 1 en la majeur, BWV 806a
Suite anglaise No. 4 en fa majeur, BWV 809
Suite anglaise No. 2 en la mineur, BWV 807
Suite en mi mineur BWV 996, « aufs Lauten Werck »
Aria nach François Couperin en fa majeur, BWV 587
Meine Seele erhebt den Herren – Fuge über das Magnificat, BWV 733
Choral « Herr Jesu Christ, dich zu uns wend », BWV 709
Trio super « Herr Jesu Christ, dich zu uns wend », BWV 655a
Choral « Herr Jesu Christ, dich zu uns wend », BWV 726
Fugue en ut mineur, BWV 546/2
Choral « Allein Gott in der Höh sei Her », BWV 711
Choral « Allein Gott in der Höh sei Her », BWV 717
Choral « Allein Gott in der Höh sei Her », BWV 715
Choral « Allein Gott in der Höh sei Her », BWV 663a
Pièce d’Orgue en sol majeur, BWV 572
Nun freut euch, lieben Christen gmein, BWV 734
Passacaglia en ut mineur, BWV 582
Johann Caspar Ferdinand Fischer (1656-1746)
Les Pièces de clavessin, Op. 2 (2 extraits : Præludium VIII, Chaconne en sol majeur)
François Couperin (1668-1733)
La Couperin(No. 3, extrait du « Quatrième livre de Pièces de clavecin, Ordre XXI »)
Prélude No. 5 (extrait de « L’Art de toucher le clavecin »)
Nicolas de Grigny (1672-1703)
Récit du Chant de l’hymne précédent (No. 3, extrait du « Pange lingua »)
André Raison (?-1719)
Christe – Trio en passacaille (No. 3, extrait du « Livre d’Orgue, Messe du Deuxième Ton »)
Benjamin Alard, clavecin
Un coffret de 3 CD du label harmonia mundi HMM902457/59
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Photo à la une : le claviériste Benjamin Alard – Photo : © Bernard Martinez