Un nouveau visage de Saint-Saëns paraît peu à peu, celui du compositeur lyrique qui par la variété des styles abordés, du drame intime au grand opéra, aura apporté une contribution de première force à l’histoire de l’Opéra français. Hier, une vaillante troupe dévoilait son Ascanio, aujourd’hui me parvient enfin l’écho sonore d’un autre spectacle donné à la Salle Favart.
Ce Timbre d’argent, qui fut son premier opéra, au sujet digne d’un nouvel épisode des Contes d’Hoffmann, joua de malchance. Sa première mouture avec des dialogues parlés eut à peine le temps de paraître en scène avant que le Théâtre National lyrique ne ferme ses portes. Saint-Saëns, qui tenait à son ouvrage plus qu’à aucun autre de ses opéras, le remania à plusieurs reprises pour finir par abandonner les dialogues parlés et augmenter considérablement une partition qui prit toute sa dimension fantastique avec au final un stupéfiant flashback. Il mit le point final à cette ultime version en 1914 !
La partition est fascinante et déroule dans une sarabande de cauchemar des noces, un carnaval, des sirènes, des bohémiens et un diable, médecin comme dans les Contes d’Hoffmann, Spiridon le terriblement bien nommé qui offrira à Conrad, le poète désargenté, un timbre d’argent qu’il n’aura qu’à presser pour voir ses souhaits de fortune se réaliser, au prix cependant de la mort d’un de ses proches.
Ce conte cruel et noir a trouvé en François-Xavier Roth et ses Siècles des artisans attentifs dont le patient travail est magnifié par une distribution de première force menée grand train par le diable séducteur de Tassis Christoyannis qui domine le Conrad velléitaire d’Edgaras Montvidas, poète perdu jusque dans ses moyens vocaux : c’est pousser un peu loin un rôle de composition.
Sublime Hélène selon Hélène Guilmette, aussi fine actrice que cantatrice sensible, magnifique Jodie Devos qui emporte Rosa dans sa voix agile et mention spéciale à Yu Shao : son Benedict promet beaucoup. Courez à ce Timbre d’argent, en attendant qu’on nous publie le spectacle de l’Opéra-Comique, mais fut-il seulement filmé ?
LE DISQUE DU JOUR
Camille Saint-Saëns
(1835-1921)
Le Timbre d’argent
Hélène Guilmette, soprano (Hélène)
Jodie Devos, soprano (Rosa)
Edgaras Montvidas, ténor (Conrad)
Yu Shao, ténor (Bénédict)
Tassis Christoyannis, baryton (Spiridion)
Jean-Yves Ravoux, ténor (Patrick)
Matthieu Chapuis, ténor (Un mendiant)
Accentus
Les Siècles
François-Xavier Roth, direction
Un album de 2 CD du label Palazzetto Bru Zane BZ1041
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Photo à la une : © DR