Nicolai Gedda aura tout chanté, et tout avec le même art, exemple unique qui n’a pour alter ego que Dietrich Fischer-Dieskau. Comme lui, il fut un récitaliste impénitent, ce que prouve avec un éclat certain le concert donné à l’été 1959 au Mozarteum de Salzbourg. C’était l’époque heureuse où il triomphait pourtant et d’abord à l’opéra, mais Salzbourg le voulait liedersänger.
Acceptant l’invitation, il proposa une pleine heure allant de Piccinni à Chostakovitch et illustrant son art polyglotte. La perfection de la voix, l’exactitude des mots, la variété des styles toujours impeccables ne lui suffisent pourtant pas, il va aussi chercher du rare (les Respighi, et osant faire Stornellatrice comme une chanson napolitaine, coup de génie), et chez Debussy, même pour un Beau soir assez inouï. Mais que paraissent les mélodies russes, et alors la voix s’abandonne, le ténor se fait long et miellé, avec des pamoisons où passe le souvenir de Lemeshev (La Nymphe de Rimski-Kosakov). Soirée magique.
Cinq ans plus tard, pour la Radio de Hanovre, plus un Russe hélas, mais un programme conçu comme une petite anthologie du lied de Bach à Strauss, avec au centre une échappée belle en France pour deux Fauré embaumés, et quatre Poulenc pleins de caractère et ne craignant pas la charge pour mieux laisser paraître l’émotion dans A sa guitare.
La flûte d’Aurèle Nicolet le rejoint pour Ach, zieher die Selle. Les Schubert s’ouvrent sur le rare et émouvant Lied des Florio et culmine dans un Du bist die Ruh’, comme échappé d’un voyage d’hiver.
Conclusion avec trois Strauss déclamés (Liebeshymnus) puis murmurés (Die Nacht) avant que ce chant capiteux rêve les yeux ouverts pour un Freundliche Vision suspendu où même le piano d’Hermann Reutter, dont on créait ce soir-là l’Epitaph für einen Dichter sur un poème de Faulkner, semble se mouvoir dans l’éther.
LE DISQUE DU JOUR
Œuvres de Niccolò Piccinni, Andrea Falconieri, Ottorino Respighi, Francesco Balilla Pratella, César Franck, Claude Debussy, Gabriel Fauré, Mikhail Glinka, Pyotr Ilyitch Tchaïkovski, Nikolai Rimsky-Korsakov, Serge Rachmaninov, Modeste Moussorgski, Dimitri Chostakovitch, Franz Schubert
Nicolai Gedda, ténor
Erik Werba, direction
Enregistré le 18 août 1959 à Salzbourg
Un album du label Orfeo C825101B
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Œuvres de Johann Sebastian Bach, Franz Schubert, Gabriel Fauré, Francis Poulenc, Hermann Reutter et Richard Strauss
Nicolai Gedda, ténor
Aurèle Nicolet, flûte
Erik Werba, direction
Enregistré à la Radio de Hanovre le 19 mars 1964
Un album du label Orfeo Orfeo C508011B
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Photo à la une : le ténor Nicolai Gedda – Photo : © DR