Le plus beau concerto pour violon du répertoire romantique ? Je le crois bien, à égalité avec celui de Brahms. L’un et l’autre ont leurs muses tziganes, et en fait plus encore celui de Brahms (et un peu forcé, cantonné au Finale) que celui de Dvořák, qui est une pure divagation, un kaléidoscope de paysages qui exposent les prés et les bois de Bohème, les villages et la Moldau. Que le violoniste y mette le feu, les accents, les rythmes !, Dvořák lui suggère tout ; qu’il ose empoigner la verve des mélodies, les accents des phrasés, le piaffant des rythmes.
Peu le purent au point d’Augustin Hadelich dont j’écoute avec témérité chacun des disques. Celui-là, passé inaperçu dans les colonnes de la presse musicale française, montre pourtant l’épanouissement de son art : l’archet ose tout, le violon chante, la main gauche donne du corps harmonique, quelles saveurs, quelle fantaisie, et quelle élégance que je n’avais plus trouvés ici depuis la lecture aventureuse de cette belle brune aux yeux bleus qui enregistra un disque pour Deutsche Grammophon : Edith Peinemann.
Et comment l’orchestre entre dans son jeu, comment les Bavarois retrouvent sous la baguette suggestive de Jakub Hrůša les élans, l’ardeur, que Rafael Kubelik jadis leur inspirait : en regard avec cette nouvelle gravure, l’audition d’une captation en concert de celui-ci avec Yuuko Shiokawa publiée par Orfeo sera riche d’enseignements.
Le voyage entre Moravie et Bohème se poursuit chez Dvořák pour des miniatures, mais aussi dans deux opus majeurs pris chez d’autres. Pour le merveilleux Opus 17 de Suk, Hadelich va aussi loin que jadis Ginette Neveu ; dans la Sonate de Janáček, son éloquence est celle d’un ténor, le piano inspirant de Charles Owen ajoutant des paysages et des respirations que peu de violonistes auront rencontrés.
LE DISQUE DU JOUR
Antonín Dvořák (1841-1904)
Concerto pour violon et orchestre en la mineur, Op. 53, B. 108
Larghetto en sol mineur, Op. 75 (B. 150) No. 4
Mélodie, Op. 55 (B. 104) No. 4
Humoresque en sol bémol majeur, Op. 101 (B. 187) No. 7 (arr. Kreisler)
Leoš Janáček (1854-1928)
Sonate pour violon et piano, JW VII/7
Josef Suk (1874-1935)
4 Pièces, Op. 17
Augustin Hadelich, violon
Charles Owen, piano
Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise
Jakub Hrůša, direction
Un album du label Warner Classics 0190295274764
Acheter l’album sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : le violoniste Augustin Hadelich – Photo : © DR