L’année de ses trente ans, Schubert se tourna vers son piano, où plutôt vers celui de son ami Schober, grand instrument dôté de six octaves, qui offrait au compositeur des horizons nouveaux.
Pas moins de six Sonates virent le jour en 1817, Edda Erlendsdóttir en choisit trois, où le piano de Schubert quitte son objet – séduire les salons de Vienne – pour trouver son sujet : faire entrer tout le Romantisme dans des sonates qui deviennent des poèmes.
La petite Sonate en la bémol est encore ingénue, Edda Erlendsdóttir la joue avec une simplicité désarmante qu’elle abandonne dès l’Allegro moderato de la Sonate en mi bémol majeur, où des modulations inquiètes défont le charme du motif principal : tout un autre univers paraît, d’un lyrisme ombreux, en suggérer la présence avec tant d’art et si peu d’effet rappelle que cette pianiste trop discrète se sera penché très tôt sur les partitions d’un compositeur que les conservatoires français ignoraient. Le lied de l’Andante est désarmant sous ses doigts et cette grande sonate en quatre mouvements aura rarement été aussi finement entendue.
Dans le triptyque de quasi Klavierstücke qu’est la Sonate en la mineur, Schubert invente à foison, cette fois l’approche me semble un peu trop retenue pour l’Allegro ma non troppo, porteur de contrastes expressifs que la pianiste se refuse à souligner. Mais comme son Allegretto chante, comme le Finale, avec ses traits de haute fantaisie, rayonnent, preuve qu’Edda Erlendsdóttir devrait poursuivre ici : vite qu’elle nous offre au disque d’autres Sonates !
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano en la bémol majeur, D. 557
Sonate pour piano en mi bémol majeur, D. 568
Sonate pour piano en la mineur, D. 537
Edda Erlendsdóttir, piano
Un album du label ERMA 200.010
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Photo à la une : la pianiste Edda Erlendsdóttir – Photo : © DR