Himmlische

La « Pastorale » de Mahler tombe naturellement dans les cordes et plus encore dans les bois des Bamberger Symphoniker, orchestre historiquement composé de souffleurs et de violonistes sudètes, cette minorité allemande des bois et des vallons de Bohème et de Tchéquie ; après la Philharmonie Tchèque, le plus idiomatique des orchestres mahlériens, peut-être même avant Vienne ou le Concertgebouw, car Mahler aura nourri son imaginaire sonore aux timbres singuliers des formations symphoniques bohémiennes. Jonathan Nott grava avec eux une intégrale trop peu goûtée à mon sens, mais dès 1971, István Kertész délivrait in loco une limpide et fantasque 4e Symphonie où l’exactitude le disputait à l’inspiration, écho d’un concert révélé dans le coffret édité pour les soixante-dix années de l’orchestre par Deutsche Grammophon (17 CD 4795805).

Un demi-siècle plus tard, les Bambergeois remettent l’œuvre sur le métier. L’enregistrement, réalisé avec le protocole sanitaire imposé par la pandémie, est l’aboutissement d’une longue série d’exécutions de la Quatrième Symphonie données durant l’édition 2020 de la « Mahler Competition », fameux concours de direction d’orchestre.

Chaque compétiteur la dirigea sous l’œil attentif de Jakub Hrůša qui finalement signe ici ce qui pourrait être l’amorce d’une seconde intégrale des dix symphonies. Les équilibres funambules, les attaques imparables, le délié des cordes, l’imagination des phrasés qui se plient dans un sens du rubato venu d’un autre temps, tout ici tient du miracle, la poésie – le pianissimo impondérable d’où sourd la coda du premier mouvement – comme la fulgurance : le grand fortissimo subito du Ruhevoll, ordonné par l’élan insensé des violons.

Je crois bien que depuis les grandes versions historiques, notamment celles de Bruno Walter, peu auront trouvé à ce point de suggestion et d’incarnation à la fois, tous les mystères de cette partition. Pour le lied du Paradis, et au contraire de ce que je craignais, Anna Lucia Richter est une heureuse surprise, joueuse, mutine jusqu’au fantasque, et très enfantine dans les appuis, les effets, les coquetterie, ah oui !, c’est certain, elle a entendu le concert de Bruno Walter à Vienne qui avait Seefried pour dire les joies célestes !

Version magique, qui commande en effet que l’intégrale des neuf autres symphonies suive, pandémie ou pas !

LE DISQUE DU JOUR

Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 4

Anna Lucia Richter, soprano
Bamberger Symphoniker
Jakub Hrůša, direction

Un album du label Accentus Music ACC30532
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Photo à la une : le chef d’orchestre Jakub Hrůša – Photo : © Petra Klackova