Vocal

L’alto fut pour Brahms d’abord une voix, et les deux Sonates qu’il lui destina des lieder, infiniment redis, mélodies d’abord, ce que les altistes n’entendirent pas forcément : depuis William Primrose on les joue en grand son. Antoine Tamestit ne l’entend pas ainsi, mesurant sa sonorité, cherchant dans les teintes emplies de sfumato de son Stradivarius le chant intérieur, les phrasés nocturnes, la poésie de crépuscule que des archets plus affirmatifs auront oubliés.

À cet instrument secret, Cédric Tiberghien ajoute la sonorité boisée, profonde, refusant tout brio d’un Bechstein qui est lui-même un alto. Le voyage dans les deux opus force au silence intérieur, et jusqu’au Wiegenlied, où les cordes remplacent la voix.

Magique, en postlude, les deux berceuses où Brahms aura marié l’alto et l’alto, mais cette fois, c’est Matthias Goerne qui caresse et amplifie la nostalgie de crépuscule du poème de Rückert, de son vrai grain de baryton-basse. Il fera tonner le désir de la deuxième strophe, pas entendue si ardente depuis Kathleen Ferrier, pour mieux souligner ensuite l’élévation de la berceuse spirituelle, qui fera dans sa voix de prophète apparaître Marie berçant Le Christ sous les palmiers de Bethléem : Goerne y allège son timbre, faisant entendre derrière le poème élégiaque de Geibel le lancinant appel des vers originaux de Lope de Vega.

Admirable album, qu’il faut commencer par sa fin.

LE DISQUE DU JOUR

Johannes Brahms
(1833-1897)
Sonate pour alto et piano en fa mineur, Op. 120 No. 1
Sonate pour alto et piano en mi bémol majeur, Op. 120
No. 2

2 Gesänge, Op. 91
Wiegenlied, Op. 49 No. 4
Nachtigall, Op. 97 No. 1 (versions pour alto et piano)

Antoine Tamestit, alto
Matthias Goerne, basse
Cédric Tiberghien, piano

Un album du label harmonia mundi HMM902652
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Photo à la une : l’altiste Antoine Tamestit – Photo : © DR