Dès le Capriccio qui ouvre l’Opus 116, ce son de plein piano, ces basses qui grondent leur tempête, les accords sans clairon mais comme des rais de lumière d’orage, quelle présence ! Celle d’un pianiste qui ne craint pas d’aller au cœur du mystère Brahms.
Cet engagement, les Fantaisies ne l’avaient plus connu à ce point d’éloquence et d’engagement depuis Julius Katchen. Comme lui, Yunus Kaya possède le « son » Brahms, quelque chose de naturellement intense, qui fait vibrer tout le meuble, dans les forte comme dans les piano, et qui induit une liberté des phrasés, une dérive lyrique où vient se rappeler que l’ultime Brahms avait noté ces pièces brèves comme des improvisations. Les jouer sans les respirer, ou en ne les entendant que comme des pièces impressionnistes, c’est les réduire, alors que c’est toute la psyché du compositeur qui s’y montre à nu, et jusque dans une certaine impudeur.
L’Opus 116 est ici un adieu définitif au piano démiurge qui signa l’irruption du génie Brahms, le souvenir du jeune homme y parait encore, que mettent à distance les trois nocturnes que sont les Intermezzi, Op. 117, joués ici dans une simplicité admirable, plus dits que chantés, c’est un Wanderer en hiver qui les joue, transmuant son piano en lyre.
Admirables de pure poésie, avec des couleurs d’automne saisissantes, les deux cahiers de Klavierstücke exposent l’art de ce jeune pianiste dont je ne savais rien et qui devra persévérer dans Brahms : écoutez seulement comment il respire l’Adagio de l’Op. 119, dans des raffinements inouïs, une harpe éolienne, magie pure.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms
(1833-1897)
7 Fantasien, Op. 116
3 Intermezzi, Op. 117
6 Klavierstücke, Op. 118
4 Klavierstücke, Op. 119
Yunus Kaya, piano
Un album du label Ars-Produktion 38586
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Photo à la une : le pianiste Yunus Kaya – Photo : © ARS-Produktion