Vous qui connaissez la Missa Solemnis, abandonnez vos livres et vos certitudes avant d’entrer ici. Petit orchestre, chœur itou, solistes de chapelle, voici que René Jacobs reconduit l’universel à l’église, et la révolution au culte. Atteint-il aux limites de ce qu’une exécution historiquement informée peu produire ?
L’effet est en tous cas étrange : au lieu d’un univers qui s’ouvre, d’une musique menant ailleurs, soudain Beethoven se coule dans Haydn, et pas même dans les fureurs du Requiem de Mozart. Cela vous change en quelque sorte le sens de l’histoire, Beethoven se trouvant soudain à rebours de lui-même. Il serait pratique d’abandonner dès ce Kyrie assez bénitier, mais voilà, les timbales qui volent pour flamboyer le Sanctus, le mouvement serait-il le salut ? Mais un Bernin n’est pas l’ascension hymnique qu’envisage Beethoven et en effet Et in terra pax retombe.
Vous l’aurez compris, j’ai erré dans cette Solemnis absolument perdu, stupeur et tremblement, cueilli parfois par une envolée de Steve Davislim, mais pourtant je ne peux la désavouer, René Jacobs l’entendant si différente que je ne peux accroire aucune pose dans sa proposition. Alors si vous vous risquez à entrer ici, commencez par le Sanctus, où soudain, aux premières mesures, s’évoque la Musique funèbre maçonnique de Mozart avant que le chœur ne proclame.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Missa Solemnis, Op. 123
Polina Pastirchak, soprano
Sophie Harmsen,
mezzo-soprano
Steve Davislim, ténor
Johannes Weisser, baryton
RIAS-Kammerchor
Freiburger Barockorchester
René Jacobs, direction
Un album du label harmonia mundi HMM902427
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Photo à la une : le chef René Jacobs – Photo : © DR