Je me souviens de sa Cléopâtre à Garnier. Comme la voix avait pris de la pulpe et comme l’aigu était resté aisé ! Quel chemin encore parcouru depuis, en prudence mais aussi avec le goût de la découverte. De cette voix, commencée petite, a éclos aujourd’hui un instrument superbe dont le médium s’est boisé, l’aigu est devenu opulent sans que l’exactitude de l’intonation ni la clarté des mots n’en aient pâti.
C’est sensible tout au long d’un récital dédié à des raretés du répertoire romantique français subtilement appariées, programme comme les chérit le Palazzetto Bru Zane. La mélodie française avec orchestre est peu courue au fond, sinon Les Nuits d’été dont Villanelle et Au cimetière, si admirablement sentis, me font regretter que tout le cycle n’y soit pas.
Mais dès la grande ligne du génial Extase de Saint-Saëns, l’alliage du rare et du transcendant s’impose. Merveille, Le Poète et le fantôme de Massenet, la Promenade à l’étang de Dubois, L’enlèvement de Saint-Saëns ! Tout l’album s’écoute en pur plaisir, et comme l’accompagnement du Concert de la Loge entoure cette voix !
L’album germanique, enregistré deux ans plus tard, surprend plus encore, la voix s’est amplifiée sans rien perdre de son grain si singulier, les grands intervalles des Sieben frühe Lieder de Berg sonnent vertigineux, le récit hanté du rare Waldesgespräch de Zemlinsky prend un impact sidérant, mais le défi ultime est bien les Vier Letzte Lieder, chantés ardents, sans un gramme de sucre, en grande voix que ce soit dans les pièges du grave ou dans l’envol planant des aigus.
Quel magnétisme dans ce timbre et quelle leçon de chant, et de chant allemand qui plus est ! Elle ajoute l’ultime Malven, si parfaitement interprété qu’elle en ferait rougir Maria Jeritza elle-même ! Jean-François Verdier et son orchestre respirent avec elle, symbiose des couleurs, des phrasés qui participent à l’éclatante réussite de ce disque inattendu.
LE DISQUE DU JOUR
Camille Saint-Saëns
(1835-1921)
Extase, Op. 13 No. 2
Papillons
Aimons-nous
L’enlèvement
Charles Bordes (1863-1909)
Promenade matinale
Hector Berlioz (1803-1869)
Au cimitière: clair de lune, H. 86 (No. 5, extrait de « Les Nuits d’été, Op. 7 »)
Villanelle, H. 82 (No. 1, extrait de « Les Nuits d’été, Op. 7 »)
Jules Massenet (1842-1912)
Le poète et le fantôme
Valse très lente
Gabriel Pierné (1863-1937)
Chanson d’autrefois (No. 5, extrait de « Album pour mes petits amis, Op. 14 »)
Théodore Dubois (1837-1924)
Si j’ai parlé… Si j’ai aimé
Promenade à l’étang (No. 4, extrait de « Musiques sur l’eau »)
Sous le saule (No. 1, extrait des « Chansons de Marjolie »)
Louis Vierne (1870-1937)
Beaux papillons blancs (No. 1, extrait de « 3 Mélodies, Op. 11 »)
Henri Duparc (1848-1933)
Aux étoiles
Alexandre Guilmant (1837-1911)
Ce que dit le silence
Benjamin Godard (1849-1895)
Symphonie gothique, Op. 23 (extrait : III. Grave ma non troppo lento)
Jean-Paul-Égide Martini (1741-1816)
Plaisir d’amour (version orchestrale : Hector Berlioz)
Sandrine Piau, soprano
Le Concert de la Loge
Julien Chauvin, direction
Un album du label Alpha Classics Alpha 445
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Alexander von Zemlinsky (1871-1942)
Waldgespräch
Richard Strauss (1864-1949)
Morgen!, Op. 27,
TrV 170 No. 4
Meinem Kinde, Op. 37,
TrV 187 No. 3
Vier Letzte Lieder, TrV 296
Malven, TrV 297
Alban Berg (1885-1935)
Sieben frühe Lieder
Sandrine Piau, soprano
Orchestre Victor-Hugo Franche-Comté
Jean-François Verdier, direction
Un album du label Alpha Classics Alpha 727
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Photo à la une : la soprano Sandrine Piau – Photo : © Sandrine Expilly (2020)