La nouvelle Flagstad ? Dès les premières apparitions de Lise Davidsen, le timbre, la vocalité comme le placement ont créé cette illusion et toute une théorie d’espoirs qu’une magnifique Ariadne de Strauss aura confirmée.
Oui mais voilà, celle qui sait qu’elle sera demain Isolde et Brunnhilde si Dieu veut (car elle le veut et déploie toute la prudence nécessaire pour cela advienne) tombe dès qu’elle aborde le répertoire ultra-montain. La nature même de sa voix qui prive l’italien de toute consonne est incapable de saisir la vocalité de Medea (alors même qu’une Rysanek sut y parvenir), pire, le legato instrumental, la ferveur du bel canto lui manquent cruellement pour l’air de Leonora, comme erratique. Elle se débrouille mieux de la prière de Desdémone, qui est si peu à vrai dire.
Mais l’album s’ouvre par un Abscheulicher époustouflant malgré quelques pailles : peu importe, le feu dans les appels des cors invoque justement sa glorieuse ainée. L’italien d’Ah perfido! la trahira à nouveau et même simplement la conduite que Beethoven note, longue phrase qui s’éploie en des intervalles dangereux où sa grande voix peut se perdre et se perd en effets, de justesse sinon de sentiment.
Alors courez à la plage 9, pour sombrer dans l’absolu isoldesque des Wesendonck-Lieder, inouïs de poésie et de morbidezza, où le fantôme de Flagstad reparait soudain, et comme Sir Mark Elder, accompagne cela, orchestre empoisonné, mer de cordes, ressac morne et tempête opalescente où la magie de son timbre vient rêver.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Abscheulicher! Wo eilst du hin? (extrait de “Fidelio, Op. 72”)
Ah perfido!, Op. 65
Luigi Cherubini (1760-1842)
Dei tuoi figli la madre (extrait de “Médée”)
Pietro Mascagni (1863-1945)
Voi lo sapete, o mama (extrait de “Cavalleria Rusticana”)
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Pace, pace, mio Dio (extrait de « La forza del destino »)
Ave Maria, piena di grazia (extrait de « Otello »)
Richard Wagner (1813-1883)
Wesendonck Lieder, WWV 91
Lise Davidsen, soprano
Rosalind Plowright, mezzo-soprano
London Philharmonic Orchestra
Sir Mark Edler, direction
Un album du label Decca 4851607
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Photo à la une : la soprano Lise Davidsen – Photo : © Decca Classics