Gamin, il le sût d’emblée : il serait liedersänger ! Quel destin que celui de ce petit garçon américain immédiatement séduit par Schubert, et le voulant chanter dans une langue dont il ne savait que la musique. Grandi, beau jeune homme au physique découplé et à la stature athlétique, devenu baryton et même Kavalier-baryton dans la typologie vocale germanique, Barry McDaniel deviendra, à l’égal de Dietrich Fischer-Dieskau, la coqueluche des amateurs de lieder Outre-Rhin.
On n’en sait plus rien aujourd’hui, un doute quant au disque, une prudence dans sa carrière de chanteur lyrique – il ne cédera qu’une fois aux invitations répétées de Wieland Wagner pour un Wolfram en 1964 – qui ne l’empêchera pas de camper un Papageno et un Pelléas inoubliables, auront suffi à l’effacer de la mémoire des mélomanes.
Injustice !, que tente de réparer cet album édité il y a déjà quelques temps par Audite. Si les Schubert sensibles, si emplis de voyelles, évoquent, immédiatement une proximité avec Hermann Prey (littéralement le timbre à fleur de lèvres) bien plus qu’avec Dietrich Fischer-Dieskau, les Schumann, choisis chez Lenau, et le pan français, évoquent pour la voix longue et ductile, l’espressivo élégant comme venu d’un autre temps, Gérard Souzay lui-même, qui, pourtant avare de compliments envers les collègues barytons, me dit un jour au débotté : « Vous aimez ma voix, écoutez McDaniel ! ».
J’avais laissé échapper cet album utile, je l’entends maintenant, ému de découvrir un tel artiste qui de la tumultueuse adresse d’Auflösung, du tendre désolement du Requiem de Lenau, des Wolf si subtilement amers, jusqu’aux sensualités et aux fureurs des Chansons madécasses, imprime son art éloquent et sensible partout.
Et si enfin Sony exhumait de ses archives ce Winterreise qu’il grava pour RCA avec Aribert Reinmann à Londres à l’automne 1972 et qui fut son chant du cygne ?
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Der Winterabend, D. 938
Herbst, D. 945
Dass sie hier gewesen, D. 775
Der Einsame, D. 800
Fahrt zum Hades, D. 526
Der Jüngling und der Tod, D. 545
Sprache der Liebe, D. 410
Fischerweise, D. 881
Über Wildemann, D. 884
Auflösung, D. 807
Robert Schumann (1810-1856)
Sechs Gedichte und Requiem sur des textes de Nikolaus Lenau, Op. 90
Nachtlied, Op. 96 No. 1
Der Spielmann, Op. 40 No. 4
Zigeunerliedchen Nos. 1 et 2, Op. 79 Nos. 7 et 8
Verratene Liebe, Op. 40 No. 5
Provençalisches Lied, Op. 139 No. 4
Mein schöner Stern, Op. 101 No. 4
Aus den hebräischen Gesängen, Op. 25 No. 15
Ihre Stimme, Op. 96 No. 3
Hugo Wolf (1860-1903)
An eine Aeolsharfe (No. 11, extrait des « Mörike Lieder »)
Heimweh (No. 37, extrait des « Mörike Lieder »)
Lebe wohl (No. 36, extrait des « Mörike Lieder »)
Nimmersatte Liebe (No. 9, extrait des « Mörike Lieder »)
Der Tambour (No. 5, extrait des « Mörike Lieder »)
Abschied (No. 53, extrait des « Mörike Lieder »)
Henri Duparc (1848-1933)
Chanson triste
Lamento
Le Manoir de Rosemonde
Extase
Soupir
Phidylé
Maurice Ravel (1875-1937)
Chansons madécasses, M. 78
Claude Debussy (1862-1918)
Le Promenoir des deux amants, L. 118
Barry McDaniel, baryton
Hertha Klust, piano
Aribert Reimann, piano
Karlheinz Zöller, flûte
Eberhard Finke, violoncelle
Un album de 2 CD du label Audite 23.426
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Photo à la une : le pianiste Barry McDaniel – Photo : © DR