Le son de l’instrument même, dès le Praeludium de la Première Partita, surprendra, roide, sec, sans guère de couleurs, il en laissera certains illico sur le bord du chemin. Les autres risquent bien d’abandonner durant l’Allemande qui court la poste et ignore les charmes. Qui jouait Bach ainsi, ardent, avide, peu soucieux de l’effet et en fait dévoré par le texte, ce Bach motoriste, qui se veut abstrait ? Glenn Gould.
Mahan Esfahani peine à dissimuler son modèle, je note d’ailleurs que pour moderne qu’il soit, son clavecin peine lui aussi a être joué ainsi en force, mais enfin on ne peut dénier ici une vision et un propos qui, s’ils peuvent épuiser l’auditeur par un premier plan constant, saisissent le texte avec une âpreté rapace que les Partitas n’avaient plus connu depuis Ralph Kirkpatrick.
Cette proposition radicale culmine dans l’œuvre absolue qu’est la Sixième Partita. En fait, il faudrait commencer l’écoute par elle, pour admettre le point de vue si absolu du claveciniste. En tous cas, ce geste péremptoire, qui avoue la mécanique de l’instrument en place de sa poésie, sera une sacrée expérience. Puis on reviendra au cantabile miraculeux de Scott Ross, ou au lyrisme solaire de Blandine Verlet.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Partita No. 1 en si bémol majeur, BWV 825
Partita No. 2 en ut mineur, BWV 826
Partita No. 6 en mi mineur, BWV 830
Partita No. 3 en la mineur, BWV 827
Partita No. 4 en ré majeur, BWV 828
Partita No. 5 en sol majeur, BWV 829
Mahan Esfahani, clavecin
Instrument : Jukka Ollikka, Prague, 2018
Un album du label Hypérion CDA68311/2
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Photo à la une : le pianiste Mahan Esfahani – Photo : © DR