Le piano d’abord, un grand Pleyel de concert en palissandre de Rio, avec une table d’harmonie doublée qui augmentait la portée du son. Le facteur parisien, dont on avait surnommé le nouvel instrument « Grand Patron », entendait rivaliser avec les pianos anglais, il réalisa surtout une merveille aux registres extrêmement contrastés dont on peut mesurer la puissance expressive au long du second des Nocturnes, Op. 55, dont Alain Planès souligne le caractère lyrique : la soprano et le ténor qui s’y répondent ne se seront jamais incarnés à ce point.
Sur un instrument aussi somptueux, Alain Planès joue moderne, sans une once de ce narcissisme qui encombre si souvent les pianistes s’adonnant aux Nocturnes. Ici, le chant n’est jamais sentimental, la nuance un art purement poétique, et l’ornement une manière d’accroître le rêve. Jusque dans les pages les plus troubles (le 3e Nocturne), une lumière s’infiltre qui ne laisse rien dans l’ombre.
Un discours ardent saisi les cantilènes, les rythmes si souvent abandonnés ici ordonnent une progression dramatique qui, au travers des opus pourtant si dispersés dans le temps, crée une unité de lieu et d’action. Les Nocturnes sont enfin un tout, comme les avait déjà conçus jadis Samson François, mais magnifié par ce piano venu d’un autre monde, celui de Chopin, éloquent, noble, altier.
Et si demain Alain Planès tentait sur un si bel instrument les Préludes ?
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
3 Nocturnes, Op. 9
3 Nocturnes, Op. 15
2 Nocturnes, Op. 27
2 Nocturnes, Op. 32
2 Nocturnes, Op. 37
2 Nocturnes, Op. 48
2 Nocturnes, Op. 55
2 Nocturnes, Op. 62
Nocturne en mi mineur, Op. 72 No. 1
Nocturne en ut dièse mineur, Op. posth.
Nocturne en ut mineur, Op. posth.
Alain Planès, piano
Instrument Pleyel 1836
Un album de 2 CD du label harmonia mundi HMM 905332.33
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Photo à la une : le pianiste Alain Planès – Photo : © DR