Brahms jeune homme portait en lui une révolution que d’emblée Robert Schumann sut comprendre. Les deux grandes Sonates de piano qui sont des mondes en soi, stupéfièrent les mélomanes par l’ardeur de leur discours, et leur élévation spirituelle. Un compositeur pouvait être au piano, soudain, aussi visionnaire que ne l’avait été l’ultime Beethoven.
Garrick Ohlsson, qui pas à pas construit pour Hypérion une intégrale du piano de Brahms, trouve l’allant, la fougue, les couleurs de cet univers ; sa maîtrise pianistique égale sa clairvoyance d’interprète ; le geste est toujours à la fois impérieux et contrôlé, mais hélas il n’ose pas se brûler en pure folie comme le faisait Sviatoslav Richter – inoubliable pour ces deux Sonates.
La prise de son, qui manque d’espace, minore probablement l’éloquence de son geste qui se réalise plus pleinement encore dans la Deuxième Sonate dont les traits qui fusent rappellent quel virtuose absolu demeure Garrick Ohlsson. Le ton plus sombre de celle-ci s’exalte mieux dans les moirures du beau Steinway, et l’esprit capricieux de l’œuvre, son ton fantasque qui fait souvent allusion à Schumann, lui inspire des couleurs, des contrechants, une ardeur narrative qui rendent son interprétation évidente.
En postlude, la tempête gagne également les deux Rhapsodies, comme éclairées d’éclairs. Admirable nouveau volume d’un parcours Brahms jusque-là sans faute.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms
(1833-1897)
Sonate pour piano No. 1
en ut majeur, Op. 1
Sonate pour piano No. 2
en fa dièse mineur, Op. 2
2 Rhapsodies, Op. 79
Garrick Ohlsson, piano
Un album du label Hypérion CDA68334
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Photo à la une : le pianiste Garrick Ohlsson – Photo : © Dario Acosta