Une voix pour Dieu

Une contralto, une vraie, comme il en existe assez peu, de placement, mais aussi de couleur et dans l’expression quelque chose d’absolument non américain qui la fait par la rectitude de son chant sœur de Kathleen Ferrier et d’Aafje Heynis. Comme pour elles, la musique vint par Dieu et pour Dieu, au temple ; la ferveur de son timbre le dit assez, comme le peu de souci qu’elle fait de la justesse, qu’elle a naturelle et ne surveillera jamais. Ce qu’elle veut, c’est émouvoir et elle y parvient toujours.

L’héritage discographique de Marian Anderson, que Sony ressuscite aujourd’hui en repartant des matrices et des bandes originales fait cette voix dressée infiniment présente : ce chant va au plexus. Comparer ses trois Rhapsodies de Brahms à celles de Ferrier ou d’Heynis illustre bien la proximité de leur art malgré la barrière de l’océan, qu’elle franchira plusieurs fois. Elle vouait un amour inconditionnel à Paris : Sol Hurok, l’y entendant lors d’un concert privé à l’été 1934, la signa immédiatement, la sachant unique.

Le répertoire de Marian Anderson n’était pas immense, une brassée de lieder, des airs d’oratorio où elle empoignait les mots comme si elle portait la parole divine, pour Monteux d’étreignants Kindertotenlieder – là encore, le parallèle avec Ferrier est aussi troublant qu’éclairant, et ce qui fit plus encore en Europe qu’en son propre pays sa légende, des spirituals d’une intensité expressive qui dépassaient le Temple : des messages universels.

Tout est ici à thésauriser, le détailler est impossible, mais j’ai deux madeleines : son premier accompagnateur était finlandais, Kosti Vehanen, il faut entendre comment elle dit et chante en même temps Säv, säv, susa et Flickan kom ifran sin äsklings möte.

L’objet que constitue cette édition – historique ! – est une vraie œuvre d’art, vous verrez, débordé par une iconographie remarquable qui rappelle la stature quasiment politique de cette icône, mais attachez-vous d’abord à la chanteuse, impérissable, et guettez dès aujourd’hui le coffret qu’annonce Ward Marston qui regroupera en plus de ses propres transferts des 78tours Victor d’étonnants témoignages de concert. Décidément, un bonheur n’arrive jamais seul.

LE DISQUE DU JOUR

Marian Anderson
Her Complete RCA Victor Recordings

CD 1
Spirituals (1923-1946)

CD 2
Lieder, Songs and Mélodies (1936-1951)

CD 3
Baroque Arias

CD 4
Lieder by Brahms, Mahler and Strauss

CD 5
Lieder by Schubert and Schumann

CD 6
Spirituals

CD 7
Highlights from Verdi’s Un ballo in maschera

CD 8
He’s Got the Whole World in His Hands

CD 9
Christmas Carols

CD 10
Lieder by Schubert, Schumann, Brahms, Strauss and Haydn

CD 11
Songs at Eventide

CD 12
Farewell Recital at Constitution Hall

CD 13
Jus’ Keep on Singin’

CD 14
Lieder by Schubert and Brahms

CD 15
The Lady from Philadelphia

Un livre-disque comprenant 15 CDs et un livre de 228 pages débordant d’informations et empli d’une remarquable iconographie, du label Sony Classical 194398364926
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Photo à la une : la contralto Marian Anderson – Photo : © DR