Grand Salon du Ritz, 1er juillet 1907, Marcel Proust quitte son appartement du Boulevard Haussmann pour se rendre au dîner suivi d’un concert qu’il organise en l’honneur de Gaston Calmette, le directeur du Figaro. Gabriel Fauré lui a fait faux bon, alors que le programme présente plusieurs de ses œuvres, mais il a dépêché Marguerite Hasselmans qui accompagnera Maurice Hayot dans la schumanienne Première Sonate de son maître, Edouard Risler se chargeant du reste et en modifiant les œuvres pour jouer ce qu’il a dans les doigts.
Soirée typique documentée dans une lettre que Proust adresse à Reynaldo Hahn deux jours ensuite, mêlant musique française et allemande comme on le faisait chez Saint-Marceaux ou chez Greffulhe, que Théotime Langlois de Swarte et Tanguy de Williencourt ont reconstitué en prenant soin d’y associer deux instruments tirés du Musée de la Musique : on entend enfin sous l’archet du jeune homme le Davidoff tiré d’un long sommeil par les soins de Balthazar Soulier. Quelle émotion lorsque son timbre de voix humaine s’empare du À Chloris de l’ami Reynaldo Hahn.
Sommet du disque, la Première Sonate de Fauré, jouée appassionato, et ne cherchant pas à masquer ses références à Schumann. Comme j’aimerai les entendre dans la Seconde également ! Mais non, fidèle au concert, les deux amis en restent à ce qui fut joué alors, capturant avec poésie l’air de ce temps perdu pour mieux le retrouver.
Tanguy de Williencourt joue un splendide Erard aux cordes parallèles, le modèle modeste que l’on trouvait couramment dans les salons du tout Paris d’alors. Stupeur devant son 6e Nocturne éloquent par les phrasés comme par les couleurs : et si sur ce piano il avait l’idée d’enregistrer les 13 Nocturnes au complet ?
LE DISQUE DU JOUR
Proust, le concert retrouvé
Un concert au Ritz, à la Belle Époque
Reynaldo Hahn (1874-1947)
À Chloris (arrangement pour violon et piano)
L’Heure exquise (arrangement pour violon et piano)
Robert Schumann (1810-1856)
Des Abends (No. 1, extrait des “Fantasiestücke, Op. 12 »)
Frédéric Chopin (1810-1849)
Prélude en ré bémol majeur, Op. 28 No. 15
Gabriel Fauré (1845-1924)
Sonate pour violon et piano No. 1 en la majeur, Op. 13
Berceuse pour violon et piano, Op. 16
Après un rêve, Op. 7 No. 1 (arrangement pour violon et piano)
Nocturne No. 6 en ré bémol majeur, Op. 63
François Couperin (1668-1733)
Les Barricades mystérieuses (No. 5, de l’Ordre VI, extrait du « Second Livre de pièces de clavecin)
Franz Liszt (1811-1886)
Isoldens Liebestod – Schluss-Szene aus Richard Wagner’s “Tristan und Isolde”, für das Pianoforte bearbeitet, S. 447
Théotime Langlois de Swarte, violon
Tanguy de Williencourt, piano
Un album du label harmonia mundi/Stradivari HMM902508
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Photo à la une : © DR