Ce fut Munich qui offrit à Júlia Várady mieux qu’un théâtre où construire son répertoire, une troupe où trouver sa place et une tradition de chant à laquelle sa voix pouvait se plier et grandir à mesure. L’art lui était donné de naissance, et le caractère aussi, l’aisance d’un instrument immense en terme d’étendue et d’intensité allait lui permettre d’aborder tous les personnages qu’elle rêvait d’interpréter.
Commencé chez Mozart, son parcours guidé par autant d’affinités électives la mènera jusqu’à Wagner, mais l’essence de son art, et la nature même de sa vocalité l’inclinait aux Italiens. L’ambre de son timbre la destinait aux héroïnes de Puccini, l’ardeur de son art, et l’aigu impérieux lui ouvriront les grands rôles verdiens où la pureté de son style et l’engagement de son chant se sublimèrent. Finalement, Munich lui donnera aussi un mari, Dietrich Fischer-Dieskau, rencontré en scène pour une Houppelande de Puccini encore chantée en allemand (Der Mantel).
À compter des années 1980, Orfeo entreprit d’illustrer son art. Non pas des captations live – elles viendront plus tard – mais expressément des disques, et des plus soignés, de prise de son comme de réalisation artistique. Figure centrale de deux opéras que son nom seul suffisait à réhabiliter (Olympie de Spontini, Jessonda de Spohr) et d’une rareté de Meyerbeer (Les Amours de Teolinde), cela aurait fait un début en quelque sorte marginal, mais un plein album de mélodies de Tchaikovski enregistré à la même période est autrement révélateur d’une part de son art : ce chant, comme celui des Lotte Lehmann ou Sena Jurinac, dit autant qu’il chante.
Les années passant, Orfeo documenta scrupuleusement ses prises de rôle successifs, les assemblant en des albums monographiques, un pour Puccini, deux pour Verdi, pures merveilles restées immaculées. Richard Strauss suivra, tout Arabella pour Sawallisch avec Dietrich Fischer-Dieskau et un plein récital qu’on trouvera ici avec son incroyable monologue de Danae, une Scène finale de Capriccio plus passionnée que nostalgique, ses sombres Ariadne et Salome, Fischer-Dieskau lui dirigeant le tout puis ensuite un album Wagner où elle effleurera Isolde et Brünnhilde mais dont le vrai trésor reste ses Wesendonck-Lieder beaux comme des nocturnes.
Mais savourez aussi le doublé lieder de Strauss (ce Schlagende Herzen !) et Mozart (Abendempfindung), et perdez-vous dans le moins connu de ses albums, dévolu aux héroïnes de Tchaïkovski ; écoutez sa « Lettre de Tatiana », éperdue, et le vertige des aigus au long des deux airs de Lisa !
LE DISQUE DU JOUR
Júlia Várady
The Orfeo Recordings
CD 1
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Airs, extraits de Nabucco, Il trovatore, La traviata, Un ballo in maschera et La forza del destino
Lothar Odinius, ténor – Bayerisches Staatsorchester – Dietrich Fischer-Dieskau, direction (enr. les 23, 25, 26 et 28 janvier 1995)
CD 2
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Airs extraits de Macbeth, Don Carlo, Aida et Otello
Stella Doufexis, mezzo-soprano – Bayerisches Staatsorchester – Dietrich Fischer-Dieskau, direction (enr. les 9, 22-24 octobre 1995)
CD 3
Giacomo Puccini (1858-1924)
Airs, extraits de La Rondine, La Bohème, Gianni Schicchi, Manon Lescaut, Suor Angelica, Tosca, Madama Butterfly et Turandot
Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin – Marcello Viotti, direction (enr. en mars, avril et juin 1993)
CD 4
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Airs, extraits d’Eugène Onéguine, La Pucelle d’Orléans, Mazeppa, L’Enchanteresse, La Dame de Pique et Yolanta
Daphne Evangelatos, mezzo-soprano – Münchner Rundfunkorchester – Roman Kofman, direction (enr. les 8-10 juin et 19-21 septembre 2000)
CD 5
Richard Wagner (1813-1883)
5 Gedichte für eine Frauenstimme, WWV 91 « Wesendonck-Lieder » (version pour orchestre : Félix Mottl et Richard Wagner)
Tristan und Isolde, WWV 90 (2 extraits : Prélude de l’Acte I, Isoldes Liebestod)
Götterdämmerung, WWV 86d (2 extraits : Siegfrieds Rheinfahrt, Brünnhildes Schlussgesang)
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin – Dietrich Fischer-Dieskau, direction (enr. les 26 février-1er mars 1997)
CD 6
Richard Strauss (1864-1949)
Airs et scènes, extraits de Salome, Ariadne auf Naxos, Die Liebe der Danae et Capriccio
Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (Haushofmeister) – Bamberger Symphoniker – Dietrich Fischer-Dieskau, direction (enr. les 26-29 avril 1999)
Arabella, Op. 79, TrV 263 (2 extraits : « Er ist der Richtige nicht für mich » (Acte 1) ; « Das war sehr gut, Mandryka » (Acte )
Helen Donath, soprano (Zdenka) – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton (Mandryka) – Bayerisches Staatsorchester – Wolfgang Sawallisch, direction (enr. les 6-14 janvier 1981)
CD 7
Raretés lyriques
Giacomo Meyerbeer (1791-1864)
Gli amori di Teolinda, cantate scénique pour soprano, clarinette, chœur et orchestre
Jorg Fadle, clarinette – RIAS-Kammerchor – Radio-Symphonie-Orchester Berlin – Gerd Albrecht, direction (enr. les 4, 5 & 29 septembre 1981)
Gasparo Spontini (1774-1851)
Olympie (4 extraits)
Stefania Toczyska, mezzo-soprano – Franco Tagliavini, ténor – George Fortune, basse – Radio-Symphonie-Orchester Berlin – Gerd Albrecht, direction (enr. les 1er-9 février 1984)
Louis Spohr (1784-1859)
Jessonda (3 extraits)
Renate Behle, soprano – Thomas Moser, ténor – Dietrich Fischer-Dieskau, baryton – Kurt Moll, basse – Chor der Hamburgischen Staatsoper – Philharmonisches Staatsorchester Hamburg – Gerd Albrecht, direction (enr. les 4-8 juin 1990)
CD 8
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Ridente la calma, KV 152/210a
Oiseaux, si tous les ans, KV 307/284d
Dans un bois solitaire, KV 308/295b
Das Veilchen, KV 476
An die Einsamkeit, KV 391/340b
Der Zauberer, KV 472
Als Luise die Briefe ihres ungetreuen Liebhabers verbrannte, KV 520
Un moto di gioia, KV 579
Abendempfindung, KV 523
Die Alte, KV 517
Richard Strauss (1864-1949)
Schlagende Herzen, Op. 29 No. 2
Ich wollt’ein Sträußlein binden, Op. 68 No. 2
Säusle, liebe Myrthe, Op. 68 No. 3
Befreit, Op. 39 No. 4
Meinem Kinde, Op. 37 No. 3
Waldseligkeit, Op. 49 No. 1
Schlechtes Wetter, Op. 69 No. 5
Frühlingsfeier, Op. 56 No. 5
Elena Bashkirova, piano (enr. les 12-17 janvier et 21-22 juillet 1991)
CD 9
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Ich wollt’ meine Schmerzen ergössen sich all’
Glaube nicht, mein Freund, Op. 6 No. 1
Warum sind denn die Rosen so blaß?, Op. 6 No. 5
Warum?, Op. 28 No. 3
Wenn ich das gewusst hätte, Op. 47 No. 1
Die Seele schwebt langsam gen Himmel, Op. 47 No. 2
6 Romances sur des poèmes de Daniil Rathaus, Op. 73, TH 109
6 Mélodies françaises dédiées à Désirée Artôt de Padilla, Op. 65, TH 108
Aribert Reimann, piano (enr. les 21-23 septembre 1981)
CD 10
Louis Spohr (1784-1859)
6 Mélodies pour baryton, violon et piano, Op. 154
Schottlisch Lied, Op. 25 No. 2
Zigeunerlied, Op. 25 No. 5
Lied beim Rundetanz, Op. 37 No. 6
Vanitas ! Vanitatum vanitas, Op. 41 No. 6
Schlaflied, Op. 72 No. 6
An Mignon, Op. 41 No. 3
6 Mélodies pour soprano, clarinette et piano, Op. 103
Júlia Várady, soprano (Op. 103) – Hartmut Höll, piano – Dmitry Sitkovetsky, violon (Op. 154) – Hans Schöneberger, clarinette (Op. 103)
Enregistré les 3-4 avril 1984 à la Musikhochschule (Op. 154 & 25), et les 25-27 juillet 1984 (Op. 37, 41, 72 & 103) à la Herkulessaal, de Munich
Júlia Várady, soprano
Un coffret de 10 CD du label Orfeo C210086
Acheter l’album sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : la soprano Júlia Várady – Photo : © Deutsche Grammophon