Octobre 1981, Riccardo Muti s’était déjà proclamé le successeur naturel d’Arturo Toscanini par ses lectures fulgurantes du Requiem de Verdi : verbe terrible de la Sequentia, prière orante de la Communio, il se distinguait en tout du geste poétique, des espaces méditatifs qu’y déployait parallèlement Claudio Abbado, si évidemment relié à l’approche lumineuse de Victor de Sabata.
Mais à Munich, Riccardo Muti abandonnait le théâtre, parfois excessif qu’il mettait à ses lectures ultramontaines (et qu’il retrouvera quelques années plus tard lors de son spectaculaire enregistrement avec le Philharmonia pour EMI) : comment aurait-il pu résister aux philtres de ces chœurs parfaits qui lui offraient le murmure de pianissimos emplis de craintes et d’espoirs ? Muti prie donc un peu plus ici, sans renoncer à son Dies Irae façon Cavaliers de l’Apocalypse, et se laissera charmer par le raffinement des couleurs qu’un orchestre virtuose sait lui offrir au long d’un admirable Lux Æterna aux effluves quasi orientales.
On se doute que le quatuor des solistes fera le reste, et d’abord Jessye Norman, qui prend feu dans un Libera me d’anthologie, elle qui chantera ici le soprano et ailleurs pour Claudio Abbado le mezzo, écoutant confite d’admiration Margaret Price dans ce même Libera me.
Merveille, José Carreras remplaçait au pied levé Veriano Luchetti, abonné inévitable de tout Requiem alors, son entrée dans le Quid sum miser le montre un peu inquiet, mais il prendra vite confiance, et ses aigus argentés feront merveille dans l’Ingemisco, autant que son chant lancé comme pour une saeta. Admirable, à l’instar d’Agnes Baltsa, incandescente et stylée pourtant, quoi qu’en médisent certains.
Et Nesterenko ? Un Boris de légende soigne ici ses suppliques (ce Confutatis beau comme un sermon), et délivre une leçon de chant qui rappelle Pinza, rien moins.
Soirée légendaire, il aura fallu attendre les 80 ans du maestro pour qu’elle soit enfin publiée d’après les bandes originales.
LE DISQUE DU JOUR
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Messa da Requiem
Jessye Norman, soprano
Agnes Baltsa , mezzo-soprano
José Carreras, ténor
Yevgeni Nesterenko, basse
Chor und Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Riccardo Muti, direction
Un album de 2 CD du label BR-Klassik 900199
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Photo à la une : le chef d’orchestre Riccardo Muti – Photo : © DR