Hans Rosbaud détestait l’esprit de chapelle. Versé dans la défense de ses contemporains, thuriféraire des plus avant-gardistes d’entre eux, son art fait de clarté et d’élégance s’abreuvait à une fréquentation assidue des Classiques qui avaient formé son goût pour des lectures analytiques.
Anti-romantique donc, et comme tel abordant Sibelius, ce compositeur abhorré par les suiveurs de la Seconde École de Vienne, il en découvre les arcanes les plus secrètes. Sa manière radicale, son ton hautain, la simplicité de son geste avaient donné un tout nouveau visage à Tapiola lorsqu’il l’enregistra avec les Berliner Philharmoniker au centre d’un LP Sibelius qui ne quitta jamais le catalogue de Deutsche Grammophon. En tout l’anti-Karajan.
Voici que la SWR consacre le 13e volume de son édition Rosbaud aux quelques gravures enregistrées pour les studios de la Radio avec l’Orchestre de Baden-Baden. Trois lieder magnifiés par le timbre de prophète de Kim Borg font un peu regretter que Rosbaud ait préféré les orchestrations impressionnistes d’Ivar Hellman plutôt que celles du compositeur (pour Demanten på marssnön) ou de Jussi Jalas (pour le magnifique Illalle). Broutilles que j’oublie devant la puissance expressive partagée par le chanteur et l’orchestre. Une Deuxième Symphonie débarrassée de la moindre scorie tchaikovskienne fait déjà entendre la singularité des harmonies sibéliennes, le creusement de son écriture, Rosbaud ajoutant une âpreté des phrasés, une fulgurance des attaques qui magnifieront une 5e fusante, puissante, hallucinée dans son Finale.
Sommet de cet album, la Quatrième Symphonie enregistrée le 10 janvier 1961. Dévoré par la tumeur qui allait l’emporter le 29 décembre suivant, Rosbaud se confronte à cette partition minérale et stellaire à la fois : Sibelius l’avait écrite en faisant lui-même face au cancer. Plus un vibrato dans l’orchestre, couleurs blanches, chants éthérés, motifs interrogatifs, sa Quatrième Symphonie est une épure abstraite et l’un de ses enregistrements les plus saisissants. Et maintenant, qui nous rendra les 6e et 7e Symphonies que Rosbaud enregistra pour la Radio de Cologne ?
LE DISQUE DU JOUR
Jean Sibelius (1865-1957)
Kom nu hit, död, Op. 60 No. 1 (version pour voix et orchestre)
Demanten på marssnön,
Op. 36 No. 6 (version pour voix et orchestre)
Illalle, Op. 17 No. 6 (version pour voix et orchestre)
Symphonie No. 2 en ré majeur, Op. 43
Symphonie No. 4 en la mineur, Op. 63
Symphonie No. 5 en mi bémol majeur, Op. 82
Kim Borg, basse
Südwestfunk-Orchester Baden-Baden
Hans Rosbaud, direction
Un album de 2 CD du label SWR Classic SWR19104CD
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Photo à la une : le chef d’orchestre Hans Rosbaud – Photo : © DR