Paradis

Florian Noack avait effeuillé quelques opus diverses tirés de l’abondant catalogue pianistique de Sergei Liapounov au long de deux albums auxquels j’avais fait fête. Le voici qui s’engage dans le chef-d’œuvre du compositeur, ces Etudes d’exécution transcendante qui choisissent leurs pianistes. Louis Kentner fut le premier et demeura longtemps le seul, mais récemment Etsuko Hirose en a offert une lecture poétique absolument splendide.

Florian Noack, à son exemple, fait oublier la virtuosité à force d’art poétique. Il entend les Etudes en peintre, et rapproche leur univers versicolore plutôt des Préludes de Rachmaninov que des pièces de genre à la Balakirev.

L’entretien du pianiste avec Jean-Yves Clément qui occupe le beau livret du disque s’attarde longuement sur la parenté avouée du cycle avec le cycle homonyme de Liszt. Je n’ai jamais pensé l’œuvre de Liapounov comme écrite à cette aune, ni même comme une sorte d’hommage, sinon dans la « tziganerie » de l’Elégie finale, explicitement dédiée à l’auteur des Rhapsodies hongroises (et évoquant d’ailleurs celles-ci plutôt que les Etudes).

Chopin me paraît en fait le vrai modèle, ce que fait entendre Florian Noack par la profusion des couleurs, les phrasés sensibles, le brio toujours un peu nostalgique, et l’élégance d’un cantabile vocal où le romantisme s’exalte sans pour autant masquer les inventions harmoniques qui font tout le sel de ce cahier inclassable, ultime feu d’artifice du temps des pétrisseurs d’ivoire, ou précurseur à peine voilé du piano moderne que Debussy va inventer ?

En funambule inspiré, Florian Noack joue sur cette ligne de crête séparant ces deux mondes, délivrant une lecture probablement inépuisable d’un cycle que je n’en finis pas de découvrir.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Liapounov
(1859-1924)
12 Études d’exécution
transcendante, Op. 11

Florian Noack, piano

Un album du label La Dolce Volta LDV90
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Photo à la une : le pianiste Florian Noack – Photo : © Danilo Floreani