Quitte à pénétrer dans le mystère du piano de Ravel, Clément Lefebvre choisit l’entrée de la danse : même la Sonatine a son Menuet qu’il joue quasi en le chantant, troubadour à la fois émerveillé et nostalgique. Les gris colorés du Modéré n’auront pas été moins émouvants sous des doigts aussi poétiques, qui évoqueront, tout au long de ce disque au cours duquel on retient son souffle, la sensualité comme le deuil, avec cette touche de pudeur qui est un des secrets de l’auteur de L’Enfant et les sortilèges.

Valses nobles plus interrogatives que brillantes (et dansées en doigts légers, avec des éclats de lumière), avec pour l’ultime ce retour des thèmes comme autant de fantômes où il se souvient du ballet un peu fantasque qu’y évoquait Vlado Perlemuter, Pavane au tempo parfait qui en avive encore la touche élégiaque, Menuet antique alerte, heureux, juste ombré comme il faut, et celui sur le nom de Haydn, touchant juste dans sa nostalgie souriante et pourtant mystérieuse, entendez l’assombrissement qu’enveloppe de sfumato un jeu de pédale savant ; quel dommage de ne pas y avoir ajouté en coda le petit Prélude qui contient la même nuance d’émotion.

Tout cela conduit à un Tombeau de Couperin ailé, volubile, où le clavier ne pèse rien mais où tout chante comme du Mozart, la Forlane, le Menuet et ses regrets, et jusqu’aux feux d’artifice d’une Toccata où s’invite le souvenir de Mouvement de Claude Debussy.

Mais j’y pense !, ce piano lumineux et tendre, capable de mystère et de sombre aussi, irait comme un gant à l’auteur des Images. Demain peut-être, mais en attendant perdez-vous dans ce Ravel touché par la grâce et l’émotion.

LE DISQUE DU JOUR

Maurice Ravel (1875-1937)
Sonatine, M. 40
Menuet sur le nom de Haydn, M. 58
Valses nobles et sentimentales, M. 61
Menuet antique, M. 7
Pavane pour une infante défunte, M. 19
Le tombeau de Couperin,
M. 68

Clément Lefebvre, piano

Un album du label Evidence EVCD083
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Photo à la une : le pianiste Clément Lefebvre – Photo : © Jean-Baptiste-Millot