Finalement, les Toccatas, emblèmes de l’art du jeune Bach qui rayonnait d’abord par ses talents d’organiste virtuose, auront reconquis les interprètes en ce début de XXIe siècle, que ce soient les pianistes ou les clavecinistes. Je guettais ce nouveau volume du cycle de Benjamin Alard, à quelle part de l’œuvre de clavier de Bach allait-il la consacrer ? Aux Toccatas justement !
Sans barguigner, il commence à l’orgue, implosant dans un tempo fou la Toccata et Fugue en ré mineur, au point que j’ai la sensation de voir l’instrument s’envoler. Quelle allégresse flamboyante, comme cela danse et célèbre ! Et quelle virtuosité surtout!, qui nous montre le jeune Bach comme s’il était lui-même devant le buffet du Blumenroeder du Temple du Foyer de l’Âme.
Le visage des Toccatas est pourtant multiple, le virtuose anime encore celles pour clavecin mais le compositeur s’y montre plus aventureux, compressant les épisodes, leur donnant un ton de caprice dont Benjamin Alard saisit tous les caractères sur le si mélodieux instrument de Philippe Humeau d’après Fleischer.
Merveille plus ascétique, tout le disque enregistré sur le clavicorde d’Emile Jobin d’après Gera, rappelle que Bach en avait fait son clavier intime. D’avoir fait suivre la Toccata en sol majeur de Concertos pris chez B. Marcello, Telemann, ou Johann Ernst von Saxe-Weimar et des si poétiques petites Fughettas, ouvre un autre horizon des années de Weimar : le virtuose cède le pas au musicien, l’un et l’autre pourtant déjà fruits d’un même génie qui sait se reconnaître jusque dans les œuvres d’autrui.
Vite, la suite : l’éditeur annonce que le projet sera totalement édité l’année prochaine, un quatrième CD en offrant quelques aperçus.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
The Complete Works for Keyboard, Vol. 5 : Toccatas & Fugues (Weimar, 1708-1717)
CD 1
Toccata et Fugue en ré mineur, BWV 565
Prélude de Choral « Wo Gott der Herr nicht bei uns hält », BWV 1128
Prélude de Choral « Liebster Jesu, wird sind hier », BWV 731
Prélude de Choral « Liebster Jesu, wird sind hier », BWV 730
Prélude et Fugue en ut majeur, BWV 545a (version primitive : Choral et 4 Variations)
Prélude de Choral « Jesu, meine Freude », BWV 713
Prélude de Choral « Christus, der uns selig macht », BWV 747
Prélude de Choral « Herzlich tut mich verlangen », BWV 727
Prélude de Choral « Liebster Jesu, wird sind hier », BWV 706
Prélude et Fugue en la mineur, BWV 543 (version primitive : BWV 543/1a pour le Prélude)
Fantasia super « Christ lag in Todesbanden », BWV 695
Trio en ré mineur, BWV 528/2a (version primitive)
Toccata et Fugue en fa majeur, BWV 540
CD 2
Toccata en ut mineur, BWV 911
Prélude et Fugue en la majeur, BWV 536a
Fantasia et Fugue en la mineur, BWV 904
Toccata en fa dièse mineur, BWV 910
Partita « Sei gegrüsset, Jesu gütig », BWV 768
Toccata et Fugue en ré mineur, BWV 538
CD 3
Toccata en sol majeur, BWV 916
Concerto pour orgue en sol mineur, BWV 985 (d’après un concerto pour violon de Telemann)
Nun komm, der Heiden Heiland, BWV 699
Vom Himmel hoch, da komm ich her, BWV 701
Gelobet seist du, Jesu Christ, BWV 697
Das Jesulein soll doch mein Trost, BWV 702
Gottes Sohn ist kommen, BWV 703
Lob sei dem allmächtigen Gott, BWV 704
Christum wir sollen loben schon, BWV 696
Herr Christ, der einig Gottes Sohn BWV 698
Concerto en si bémol majeur, BWV 982 (d’après un concerto pour violon, Op. 1 No. 1, de Johann Ernst of Saxe-Weimar)
Concerto en ré mineur, BWV 987 (d’après un concerto pour violon, Op. 1 No. 4, de Johann Ernst of Saxe-Weimar)
Gelobet seist du, Jesu Christ, BWV 722
Lobt Gott, ihr Christen, allzugleich, BWV 732
In dulci jubilo, BWV 729
Vom Himmel hoch, da komm ich her, BWV 738a (version initiale)
Prélude and Fugue en la mineur, BWV 895
Concerto en ut mineur, BWV 981 (d’après un concerto pour violon, Op. 1 No. 2, de Benedetto Marcello)
Benjamin Alard, orgue, clavecin à pédalier, clavicorde
Un coffret de 3 CD du label harmonia mundi HMM 902463.65
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Photo à la une : le claviériste Benjamin Alard – Photo : © DR