Les instruments d’abord, un violon de l’école française du XVIIIe siècle, sorti de l’atelier de Jacques Boquay en 1725, aux couleurs d’alto, à l’aigu de flûte, qu’Aylen Pritchin caresse d’un archet subtil, et un grand piano Steinway de la manufacture de New York millésime 1875, sans un clairon, avec des registres d’estompes et une poésie de timbre inouïe.
Les deux amis pourraient se perdre dans de tels paradis sonores, le violon devenant une voix supplémentaire dans ce piano d’ondes, ah ! ce que s’unir en une seule voix veut dire, ils le proclament et le murmurent ensemble, et c’est merveille, car ils phrasent tout, jusqu’au plus intime des pianissimos, parvenant dès le Vivace non troppo de la sol majeur à un degré de poésie rhapsodique, une intimité partagée du sentiment rarement entendue au disque.
On retient son souffle, tout l’album s’écoute d’une traite, allant au plus secret de la lyrique de Brahms dans une simplicité, où l’art cache l’art, l’émotion affleure sans cesse dans ce discours intime où pourtant tout un automne s’invite.
Mais comment ces deux jeunes gens ont-il pu saisir à ce point ce crépuscule ? Et quel phénomène décidément Maxim Emelyanychev, qui ose tout, à la direction d’orchestre comme l’a prouvé sa stupéfiante Eroica, ou à son piano : son album Mozart m’avait alerté, le voici souverain chez Brahms, et avec ce somptueux Steinway, quelle version des ultimes cahiers de Klavierstücke il pourrait nous offrir. Y pense-t-il seulement ?
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms
(1833-1897)
Scherzo, de la Sonate « F-A-E », WoO 22
Sonate pour violon et piano No. 1 en sol majeur, Op. 78
Sonate pour violon et piano No. 2. en la majeur, Op. 100
Sonate pour violon et piano No. 3 en ré mineur, Op. 108
Aylen Pritchin, violon
Maxim Emelyanychev, piano
Un album du label Aparté AP237
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Photo à la une : le violoniste Aylen Pritchin – Photo : © Anna Chobotova