Ultime étape d’un voyage Mahler passé inaperçu de ce côté-ci du Rhin ? Je gage que Gabriel Feltz y ajoutera au moins Le Chant de la terre, mais pour la Dixième il aura tranché, s’en tenant aux seuls deux mouvements édités par Křenek, Adagio et Purgatorio, dans la grande clarté plutôt analytique des Stuttgartois qui l’auront accompagné pour la moitié de son intégrale toujours captée en concert. L’Adagio est d’une sérénité troublante, le Purgatorio une ronde paradisiaque que Feltz alentit soudain sur la chanson de la flûte pour conduire à la ténébreuse péroraison. Bien vu, et singulier.
Les ténèbres auront au contraire envahi sa Neuvième, au point de donner aux deux mouvements extrêmes comme un délitement même du son. Ecrire que son orchestre de Dortmund, puisque c’est avec lui qu’il aura voulu graver son interprétation, n’est ni Berlin ni Vienne, souligne les limites de ce qu’il peut obtenir ici.
Reste que l’émotion saisit au long de l’Adagio, une fois abandonné le ton très (trop ?) bergien qu’il avait imposé à l’Andante comodo. Second mouvement ironique et brillant, et puis un coup de génie : leur Rondo-Burleske âpre, acide, à la coda folle.
Feltz y fait ce que peu osent, des quasi points d’orgue sur les grands accords des cuivres, avant que l’orchestre ne se consume dans les démentes précipitations où l’entraîne cette battue rapace. Sidérant moment, qui me donne envie d’aller réécouter les huit autres symphonies de ce cycle singulier.
LE DISQUE DU JOUR
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 9
Symphonie No. 10 – Adagio & Purgatorio*
Dortmunder Philharmoniker
*Stuttgarter Philharmoniker
Gabriel Feltz, direction
Un album de 2 CD du label Dreyer Gaido CD21133
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Photo à la une : le chef d’orchestre Gabriel Feltz – Photo : © Marko Djokovic