La mort ?

D’un tempo filant, son piano comme une guitare, Martin Helmchen emporte à tout crin le ténor d’Evangéliste de Julian Prégardien, Ganymède certain de ne pas mourir dans l’étreinte de l’aigle Zeus, et lui distillant des charmes. Vite, on ne saurait mourir !

Mais la mort, c’est le Quintette, symphonie à cinq cordes, qui proclame son héros et le précipite au brasier, un Siegfried prêt au sacrifice dès la première rage des archets. Cet album nous cause d’Allemagne, noir, empoisonné, fatal ; au travers de Schubert, il convoque les affres d’un destin, celui d’une civilisation qui s’est exhaussée dans un imaginaire à jamais perdu hors des notes et des mots qu’il aura produits.

Ces deux disques nous parlent de la conscience historique que de jeunes interprètes, des Allemands d’aujourd’hui, ont de leur âme, car outre-Rhin, l’âme est encore affaire de culture, on en rêverait en bord de Seine où la culture n’est plus qu’une « manifestation ».

Mais ne dévions pas. Julian Prégardien et Martin Helmchen sectionnent leur Schwanengesang après Aufenhalt, qui est un avertissement, « Fliessend die Tränen ». D’un côté Rellstab et sa poésie du sentiment, jusqu’à la vaine révolte, de l’autre Heine et ses vers déjà d’un autre monde. Entre, Martin Helmchen met la respiration d’une Romance sans parole, comme un regret d’un temps à jamais révolu.

Puis le Chant du cygne retentit à nouveau, les brumes, l’abîme, la voix blanchie face au double, le sinistre défi de L’Atlas. Un mot encore, pour Julian Prégardien qui parvient (le sait-il seulement ?) à être à la fois de timbre Ernst Haefliger et de mot Peter Schreier.

Et puis, rincés, vidés, furieux peut-être, le noir Quintette vous engloutira dans son abyme. Terminus.

LE DISQUE DU JOUR

CD 1

Franz Schubert (1797-1828)
Schwanengesang, D. 957
Schwanengesang, D. 744
Quintette pour cordes en ut majeur, D. 956
Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Adagio non troppo (No. 3, extrait des « Lieder ohne Worte, Op. 30 »)
Fanny Mendelssohn-Hensel (1809-1847)
Schwanenlied (No. 1, extrait des « 6 Lieder, Op. 1 »)

Julian Prégardien, ténor
Martin Helmchen, piano

CD 2

Franz Schubert
Quintette pour cordes en ut majeur, D. 956

Christian Tetzlaff, violon
Florian Donderer, violon
Rachel Roberts, alto
Tanja Tetzlaff , violoncelle
Marie-Elisabeth Hecker, violoncelle

Un album de 2 CD du label Alpha Classics 748
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Photo à la une : le ténor Julian Prégardien – Photo : © Peter Rigaud