Ce n’est plus un secret depuis qu’Eliahu Inbal puis George Tintner se sont fait les avocats des versions princeps : le symphoniste Bruckner, comme les grands peintres, laisse voir, dans l’état final de ses manuscrits, les repentirs de ses premières tentatives.

Prenant l’ordre chronologique comme alibi, Jakub Hrůša nous donne à entendre trois états successifs de sa plus célèbre symphonie, la 4e, qui sera pour Bruckner le manifeste de son art, et quasi le point d’orgue de sa grammaire. Rien ne pouvait suffisamment annoncer la « Romantique », mais tout, même les abîmes de la 9e, pourrait en découler.

Ce point de non-retour paraîtra pourtant plus radical encore dans la version princeps de 1874 (elle-même révisée entre 1875 et 1876), éditée philologiquement par Korstvedt en 2021. Le premier jet n’a que faire des incohérences, est-ce pour cela que son discours semble plus implacable, comme ce sera le cas pour la première mouture de la 5e de Sibelius ?

Ce que le compositeur n’a pas encore aplani parle d’évidence à ceux qui le comprennent, au point que ce sombre de la première 4e fait paraître la version ultime comme enjolivée jusque dans sa logique, tonale comme structurelle. On suit pas à pas les renoncements comme l’affirmation au long des trois versions, mesurant pour ma part à quel point je préfère l’audace sauvage de la première.

Un quatrième disque compare les différences dans les points les plus saillants, un vaste texte vous guidera dans cette visite : Bruckner est à son modeste écritoire, sa chambre monacale est ouverte, entrez-y.

LE DISQUE DU JOUR

Anton Bruckner (1824-1896)

Symphonie No. 4 en mi bémol majeur, WAB 104 “Romantique” (3 versions : Version 1874, Version 1878, Version 1888)

Bamberger Symphoniker
Jakub Hrůša, direction

Un coffret de 4 CD du label Accentus Music ACC30533
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Photo à la une : le chef d’orchestre Jakub Hrůša – Photo : © Bamberger Symphoniker