Reprenant Don Carlo, un de ses Verdi favoris avec Falstaff, Il trovatore et Otello, Karajan savait qu’il avait enfin trouvé son jeune prince.
Plus encore que dans l’enregistrement berlinois pour les micros d’His Master’s Voice l’année précédente, José Carreras irradie de son impuissance désespérée cette soirée viennoise en tout point historique, et il faut entendre quelle amertume lui tisse Karajan, dans ses élans comme dans ses atermoiements. À Salzbourg vingt ans plus tôt, Eugenio Fernandi n’avait été qu’un second choix, aussi bien chantant fut-il.
Autour de ce prince hanté, un troupe formidable referme le piège, l’Elisabetta esseulée et noble de Freni serait un modèle si je n’avais pas en souvenir les torches plus vives de Jurinac, Brouwenstijn, voire Tebaldi en son automne. Pas un bémol en revanche pour l’Eboli splendide de sensualité et de fureur d’Agnes Baltsa, toujours plus dévastatrice en scène qu’au studio (elle se surveille plus dans le HMV, je la préfère ici, amante tigresse). Piero Cappuccilli, égal à lui-même, chante noblement son Posa, et Raimondi ?
J’en entends qui vont déjà lui préférer Ghiaurov, si imposant de noblesse au studio, mais il faut entendre la désolation que Raimondi met à « Ella giammai m’amo » et plus encore l’effrayant échange avec le Grand Inquisiteur, vraie voix de meurtrier, de Matti Salminen.
Les tempos sont larges, le drame n’en est que plus étouffant, Karajan règne sur la fosse et sur la scène, accompagnant l’implacable descente aux enfers d’un José Carreras simplement inouï.
LE DISQUE DU JOUR
Giuseppe Verdi
(1913-1801)
Don Carlo
Ruggero Raimondi, basse
(Filippo II)
José Carreras, ténor
(Don Carlo)
Piero Cappuccilli, baryton
(Rodrigo, marchese di Posa)
Matti Salminen, basse (Il Grande Inquisitore)
Luigi Roni, basse (Un frate)
Mirella Freni, soprano (Elisabetta di Valois)
Agnes Baltsa, mezzo-soprano (La principessa d’Eboli)
Marjon Lambriks, soprano (Tebaldo)
Ewald Aichberger, baryton (Il conte di Lerma)
Thomas Moser, ténor (Un araldo reale)
Edita Gruberova, soprano (La voce dal cielo)
Chor und Orchester der Wiener Staatsoper
Herbert von Karajan, direction
Enregistré à l’Opéra de Vienne le 6 mai 1979
Un coffret de 3 CD du label Orfeo C876133D
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Photo à la une : le ténor José Carreras – Photo : © DR