Les Moments musicaux ont de la chance ces temps ci. Luis Fernando Pérez y mettait son piano raffiné, ses sonorités longues qui lui permettaient d’arrêter le temps, de sonder l’espace harmonique (chronique plus détaillée à venir très bientôt dans Discophilia), aujourd’hui Jean-Paul Gasparian les sculpte dans son opulent Steinway si bien capté à la Fondation Singer-Polignac.
Romantique absolument, chantant dès le thème de brume au ressassement de barcarolle qui ouvre le sublime Andantino, et lorsque l’oiseau Sirine, échappé de Kitège de Rimski-Korsakov déploie sa vocalise, comme ce piano s’ouvre et rayonne ! La conduite du cycle est exemplaire, jusque dans les clairons du Maestoso final où tout un orchestre jaillit du grand meuble.
Magnifique assurément, et d’une audace, d’une présence que l’on retrouvera au long d’une Seconde Sonate éruptive, abrupte, débordée par un plaisir physique de jouer, dont le Finale soulève des torrents d’accords. J’entends bien comme ce jeu athlétique voudrait excéder dans le climax de la coda, les possibilités même du piano, quitte à le saturer.
Mais cette ardeur, ce feu de pure jeunesse, sont admirables. Après cela, retrouver les deux parenthèses élégiaques des Préludes permet de revenir à l’oiseau Sirine qui déploie son arc-en-ciel.
Magnifique album, je le range aux côtés de celui de Luis Fernando Pérez, trop heureux de voir Rachmaninov tant et si bien aimé.
LE DISQUE DU JOUR
Sergei Rachmaninov
(1873-1943)
Sonate pour piano No. 2
en si bémol mineur, Op. 36
(version révisée, 1931)
Prélude en ré majeur,
Op. 23 No. 4
Prélude en si mineur,
Op. 32 No. 10
6 Moments musicaux, Op. 16
Vocalise, Op. 34 No. 14 (arr. Alan Richardson)
Jean-Paul Gasparian, piano
Un album du label Evidence EVCD085
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Photo à la une : le pianiste Jean-Paul Gasparian – Photo : © DR