Ceux qui se laisseront surprendre par le temps infini de l’Aria initiale auront tort. David Fray la modèle avec des tendresses nimbées de mystère qui dit assez ce que seront ses Goldberg, un précis d’émotion, et ce qu’elles ne seront pas : une architecture qui ne tiendrait debout que par la seule rhétorique.
S’immergeant dans cet univers, le jeune homme entend d’abord les sentiments de cette musique, ses mondes en soi, son cosmos, c’est une rêverie souvent limpide et d’un jeu à dix doigts fascinant, le souvenir de Gould y passe par instants dans les Variations vives (quelle main gauche dans la Cinquième) pour la dextérité, mais là où Gould martèle et swingue, Fray chante et danse, et dans la variation suivante sème des étoiles.
Le voyage est beau, si sensible, si expressif, sans le narcissisme que d’aucuns y pourraient souligner : David Fray ne s’écoute pas, mais il donne à entendre, et pour les trois Variations en ton mineur, ouvre soudain des précipices – dans la 15è, on croirait entendre Beethoven.
Dans ce théâtre intime, à mesure des métamorphoses, s’impose au-delà des pures beautés de ce clavier tempéré et profond, une dimension spirituelle. L’Aria pourra reparaître, indemne des péripéties du voyage, David Fray a arrêté le temps.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Variations Goldberg,
BWV 988
David Fray, piano
Un album du label Erato 0190296606915
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Photo à la une : le pianiste David Fray – Photo : © Jean-Baptiste Millot