Des mélodies ? Oui mais alors pour deux instruments à égalité. On néglige trop le fait que Rachmaninov y aura écrit une part non négligeable de son œuvre de piano, on l’entend ici dans l’appassionato, le flot de couleurs, l’éloquence poétique parfois déclamatoire que souligne avec poésie et élan un Lukas Geniušas inspiré.
Il le serait à moins face à la grande voix de soprano, opulente et flexible, que déploie Asmik Grigorian, exactement le type d’instrument pour lequel Rachmaninov a pensé ses mélodies qui enclosent d’un seul geste l’intime et l’immense, demandent un grave d’eau morte et des aigus d’étoiles (écoutez l’Op. 21 No. 7).
Ce voyage dans la part la plus secrète de l’œuvre du compositeur d’Aleko est le plus parfait disque que j’ai croisé depuis la saisissante intégrale gravée par Elisabeth Söderström et Vladimir Ashkenazy : même degré d’espressivo, même incarnation des poèmes. Cela commande une suite, chez Rachmaninov, mais aussi chez Tchaïkovski. Une soprano si miraculeuse, déjà au sommet de son art à l’opéra, doit poursuivre ce qui pourrait constituer une anthologie majeure de la mélodie russe, d’autant qu’elle a trouvé son alter ego pianistique.
LE DISQUE DU JOUR
Dissonance
Sergei Rachmaninov
(1873-1943)
Dissonance, Op. 34 No. 13
Tu es comme une fleur, Op. 8 No. 2
Je t’attends, Op. 14 No. 1
Oh, ne sois pas triste !, Op. 14 No. 8
Il m’a tout pris, Op. 26 No. 2
Crépuscule, Op. 21 No. 3
Autre guitare, Op. 21 No. 4
Ne me crois pas, Op. 14 No. 7
Ici, il fait bon…, Op. 21 No. 7
Ne chante pas en ma présence, Op. 4 No. 4
Je ne suis pas un prophète, Op. 21 No. 11
Comme je souffre, Op. 21 No. 12
Les lilas, Op. 21 No. 5
Torrents printaniers, Op. 14 No. 11
Rêve, Op. 8 No. 5
Quel bonheur !, Op. 34 No. 12
Dans le silence de la nuit secrète, Op. 4 No. 3
La nuit de mai, poème d’Alfred de Musset, Op. 21 No. 6
Nous nous reposerons, Op. 26 No. 3
Asmik Grigorian, soprano
Lukas Geniušas, piano
Un album du label Alpha Classics 796
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Photo à la une : la soprano Asmik Grigorian – Photo : © DR