Jessye Norman aura volontairement limité ses incarnations lyriques, mais elle ne pouvait éviter la Salomé de Strauss à laquelle elle sacrifia finalement en 1990 pour Seiji Ozawa, Philips leur offrant la Staatskapelle de Dresde qui avait créé l’œuvre quatre-vingt-cinq ans plus tôt.
Mais avant d’aborder tout l’opéra, Jessye Norman avait inscrit la scène finale à son répertoire. On se doute que sa voix immense, torrentielle, opulente au médium, cristalline à l’aigu était une sorte d’idéal, plus intensément brûlante encore quatre années avant l’intégrale.
Dès la proclamation du baiser, même l’orchestre effaré par le geste cathartique de Klaus Tennstedt prend feu, cette voix dressée, dévorante, sensuelle et furieuse à la fois vous assaille et vous enivre. Immense, insoutenable quasiment, mais prodigieux, avec cet élan mortifère et cette fausse jeunesse du timbre que seule avant Norman avait su y mettre Ljuba Welitsch.
Les mots, si présents dans l’immensité de cette voix, sont aussi saisissants au long des cinq Lieder qui ouvraient la soirée, tendre Cäcilie, sombre Ruhe, meine Seele, éclatant Zueignung, quelle leçon de chant !
En contrepoint, le divertissement-pochade pour Le Bourgeois gentilhomme, mené avec faste par Tennstedt qui s’en régale, une fête où les solistes du Philharmonique de Londres font assaut de brio, mais vous irez d’abord vous faire dévorer par cette Salomé.
LE DISQUE DU JOUR
Richard Strauss
(1864-1949)
4 Lieder, Op. 27, TrV 170
(II. Cäcilie, I. Ruhe, meine Seele)
Wiegenlied, Op. 41 TrV 195 No. 1
Zueignung, Op. 10 TrV 141 No. 1
Le Bourgeois Gentilhomme – Suite, Op. 60b, TrV 228c
Salomé, Op. 54, TrV 215 (extraits : Danse ses sept voiles, Scène finale)
Jessye Norman, soprano
London Philharmonic Orchestra
Klaus Tennstedt, direction
Un album du label LPO Live 0122
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Photo à la une : la soprano Jessye Norman – Photo : © DR