1603, on est au point de bascule de tout l’œuvre monteverdienne et des styles dans les musiques ultramontaines : l’affect, le souci de l’expression poussé jusqu’à l’expressionisme, le débord du mot sur la note et une ivresse des mélismes, tout cela sépare le madrigal classique du style maniériste dans lequel Monteverdi se garde bien de tomber.
S’il exalte l’émotion, s’il arde la sensualité, s’il plie ses polyphonies aux sentiments des mots, c’est à un théâtre qu’il pense, à des scènes vues, et non à un art décoratif. Jamais il ne sera aussi proche de Gesualdo, dont Philippe Herreweghe et son Collegium ont gravé les ultimes Livres, tendant entre les deux compositeurs autant de miroirs. Et jamais Luca Marenzio n’aura été aussi proche de ce Monteverdi-là.
Comme toujours dans la pratique du chant a capella, ici sonne seulement le discret luth ou le discret chitarrone de Michele Pasotti. Philippe Herreweghe modèle les souffles, lie et délie les polyphonies, souligne les émotions, tend les lignes, dénoue les audaces harmoniques après les avoir fait éclater, mesurant son génie propre à celui de Monteverdi.
Peu à peu se constitue une anthologie du madrigal italien qui passe trop inaperçue, s’étendra-t-elle à Sigismondo d’India demain ? Je l’espère.
LE DISQUE DU JOUR
Claudio Monteverdi (1567-1643)
Anima dolorosa
Il quarto libro de madrigali
Collegium Vocale Gent
Philippe Herreweghe,
direction
Un album du label Phi LPH037
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Photo à la une : les membres du Collegium Vocale Gent, en 2011 –
Photo : © Michiel Hendryckx, Gent