Le couplage n’est pas si courant – les violonistes ont préféré dans la discographie récente mesurer Berg à l’aune de Beethoven – mais pourtant absolument évident, Brahms refermant avec son Concerto en 1878 l’âge d’or du violon romantique, Alban Berg infusant dans la même Vienne cinquante-cinq années plus tard la musique d’une autre planète.
Robin Ticciati fouette l’orchestre de Brahms, l’allège et l’envole, l’archet de Christian Tetzlaff faisant assaut de fantaisie, d’une liberté d’accents, d’une alacrité rythmique qui resserrent l’Allegro, piaffe un Finale irrésistible et change drastiquement le visage de l’Adagio, pris andante, et animé dans chaque détail, ajoutant une fluidité à son ton de pastorale ; l’ensemble offre une lecture d’une prodigieuse vitalité.
Le même allégement sauve le Concerto de Berg de tout malhérisme, l’éclaire même dans la furia de l’Allegro, une quasi danse des morts d’une précision aveuglante ; les transparences de l’orchestre, la mobilité expressive du soliste, la fusion fulgurante de l’ensemble étonnent dès l’entre chien et loup de l’Andante.
La coda atteint au sublime, détachement aérien, violon flûtant à la chanterelle, l’orchestre ouvrant et refermant le bref arc-en-ciel. Magique musique de l’au-delà, assurément une des versions majeures d’une œuvre que tous les violonistes ont à cœur d’enregistrer. L’analyse et les notes d’intention du violoniste sur le Concerto de Berg sont passionnantes.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 77
Alban Berg (1885-1935)
Concerto pour violon et orchestre « À la mémoire d’un ange »
Christian Tetzlaff, violon
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin
Robin Ticciati, direction
Un album du label Ondine ODE14102
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Photo à la une : le violoniste Christian Tetzlaff – Photo : © Giorgia Bertazzi